jeudi 21 décembre 2017

Inventaire 49 - Back Door Santa

JEFFERSON AIRPLANE Lather

JEFFERSON AIRPLANE
Crown of Creation

Label : RCA Victor
Année : 1968
A1 Lather
A2 In Time
A3 Triad
A4 Star Track
A5 Share A Little Joke
A6 Chushingura
B1 If You Feel
B2 Crown Of Creation
B3 Ice Cream Phoenix
B4 Greasy Heart
B5 The House At Pooneil Corners

Genre : Flower pop
7° morceau de L'Inventaire 49 : Lather

Jefferson Airplane est l'archétype du groupe de hippies de la fin des 60's. Ils viennent de San Francisco, leur musique est un mélange de blues, de folk et de psychédélisme qui sent bon le champignon hallucinogène. Selon une légende, leur nom viendrait de l'argot lié à la marijuana... à moins qu'il ne soit véritablement inspiré par un avion.
Ils sortent cinq albums studio et un live entre 1966 et 1971, avant que Marty Balin, chanteur et fondateur du groupe ne lâche l'affaire. Quelques autres suivront mais l'essentiel est dit dans cette première période.
En bon collectif baba-cool, Jefferson Airplane est un fourre-tout assez irrégulier où tout le monde compose. Une grosse tambouille où se mêlent crudité acoustique et délires électrifiés, blues-rock lourdingue, tendances folkloriques et moyenâgeuses et bouffées délirantes. Leur succès sera énorme, aux États-Unis et au-delà, amplifié par leurs prestations dans les gros festivals en pleine émergence à l'époque, que ce soit à Monterey et bien sûr l'inévitable Woodstock où ils jouent le matin devant un public sidéré en pleine descente d'acides. On les connaît surtout en France pour les deux tubes de leur album Surrealistic Pillow : Somebody to Love et le génial White Rabbit, inspiré par Alice au pays des merveilles, que le cinéma et les séries utilisent abondamment depuis une vingtaine d'années.
Les deux compositions sont signées Grace Slick, le véritable atout du groupe, chanteuse charismatique et compositrice douée à qui l'on doit pratiquement toutes les chansons intéressantes de leur discographie. Comme ce Lather qui clôt notre Inventaire 49, morceau très onirique et cinématographique, que le Jack Black de Tenacious D a certainement écouté en boucle.


GANG OF FOUR It is not enough

GANG OF FOUR
Songs Of The Free

Label : EMI/Parlophone
Année : 1982
A1 Call Me Up    
A2 I Love A Man In A Uniform    
A3 Muscle For Brains    
A4 It Is Not Enough    
A5 Life, It's A Shame    
B1 I Will Be A Good Boy    
B2 The History Of The World    
B3 We Live As We Dream, Alone    
B4 Of The Instant

Genre : Punk'n'funk
6° morceau de L'Inventaire 49 : It Is Not Enough

Les puristes s'arrêtent au premier album, Entertainment!, à la rigueur au second, Solid Gold, le dernier sur lequel figure le bassiste mythique Dave Allen qui apporta la touche de funk froid qui manquait au punk-rock situationniste de Jon King, Andy Gill et Hugo Burnham
Mais nous ne sommes pas des puristes, nous aimons la bassiste Sara Lee qui venait de s'échapper de la League of Gentlemen de Robert Fripp pour amener son groove froid et tranchant au gang des quatre. Songs of the Free vous scie toujours les nerfs avec ses riffs acides et ses rythmes de disco morbide. 
Aujourd'hui, plus de 35 ans après, on ne s'en remet toujours pas...

"Leur musique demeurait dure et austère (Andy Gill rechignait à gonfler le son de sa guitare à l'aide d'effets comme la fuzz ou la distorsion, tandis que Burnham méprisait les coups de cymbales tape-à-l’œil), et se définissait autant par ses refus que par ses choix.
- A la place des solos, nous avions des anti-solos : j'arrêtais simplement de jouer, ça laissait comme un trou, explique Gill.
Gang of Four refusait également de donner dans cette espèce de spontanéité rock qui voudrait que les chansons émergent naturellement d'improvisations guidées par une vague intuition.
- Pas d'improvisation, jamais : c'était LE mot interdit, affirme Gill."
In Rip it up and start again - Postpunk 1978-1984 de Simon Reynolds, éditions Allia.

THE NOTWIST Close To The Glass

THE NOTWIST
Close To The Glass

Label : City Slang
Année : 2014
A1 Signals    
A2 Close To The Glass    
A3 Kong    
A4 Into Another Tune    
B5 Casino    
B6 From One Wrong Place To The Next    
B7 7-Hour-Drive    
B8 The Fifth Quarter Of The Globe  B9 Run Run Run    
B10 Steppin' In    
C11 Lineri    
C12 They Follow Me

Genre : Electro Warm Pop
5° morceau de L'Inventaire 49 : Close To The Glass

Discrètement, sans déclaration fracassante à la presse ni véritable tube à leur actif, The Notwist s'achemine vers les 30 ans de carrière. Apparus en Allemagne en 1990 comme un groupe plutôt hardcore emmené par les frères Markus et Michael Acher, ils prennent un virage radical en 1997 avec l'arrivée aux claviers de Martin Gretchschmann. Leur son perd 100 kilos et leur musique dérape vers le free jazzz, l'expérimental et l'électronique, rameutant l’intérêt de la presse et de quelques pointures internationales comme Colin Greenwood de Radiohead
Ils trouvent leur équilibre avec Neon Golden en 2001, une vision épurée de la pop où les sons électroniques deviennent le support idéal à une mélancolie intimiste qui devient leur marque de fabrique. Marquée par le single Pick Up The Phone*, une solide réserve de fans s'agglutine autour d'eux comme les enfants derrière le joueur de flûte d'Hamelin. Ils ne les lâcheront plus jamais.
Le groupe a pris six ans de pause entre 2002 et 2008, ses membres préférant s'adonner à des projets différents plutôt que sortir un nouvel album sans inspiration.  Ils reviennent avec The Devil, You + Me pour lequel ils convoquent un orchestre à cordes.
Sur disque, comme sur scène, The Notwist est un groupe intègre, sans fioriture, extrêmement concentré sur la précision de l'écriture et d'un son qualifié parfois, à tort, de minimaliste. En 2014, ils sortent Close To The Glass, peut-être leur album le plus maîtrisé, le plus abouti... Ce sera hélas le dernier avec Martin Gretchschmann.

* dont le très joli clip est visible ici.
 


THE SUPREMES Bah-Bah-Bah

DIANA ROSS & THE SUPREMES
Reflections

Label : Tamla Motown
Année : 1968
A1 Reflections
A2 I'm Gonna Make It (I Will Wait For You)
A3 Forever Came Today
A4 I Can't Make It Alone
A5 In And Out Of Love
A6 Bah-Bah-Bah
B1 What The World Needs Now Is Love
B2 Up, Up And Away
B3 Love (Makes Me Do Foolish Things)
B4 Then
B5 Misery Makes Its Home In My Heart
B6 Ode To Billie Joe

Genre : Soul & Cream
4° morceau de L'Inventaire 49 : Bah-Bah-Bah

Dès l'intro où le piano Fender Rhodes dialogue mystérieusement avec la basse, on sent qu'un grand morceau se profile. Et c'est tout le génie de la Motown qui se déploie ensuite : des arrangements subtils où tout tombe à point sur une mélodie de chant à tomber parterre, portée par une Diana Ross dans une forme éblouissante et les réponses chorales de Mary Wilson et Cindy  Birdsong (tout juste débarquée dans le groupe pour remplacer Florence Ballard).
Le morceau est écrit par les sœurs Brenda et Patrice Holloway, qu'on oublie généralement quand on cite les compositeurs historiques de la Motown, probablement parce qu'elles ont écrit peu de titres, contrairement à Smokey Robinson, Dozier/Holland et compagnie. Toutes les deux chantaient également. Patrice a sorti une poignée de singles et Brenda cinq albums, dont le dernier en 2003. Ses seuls véritables succès restent un standard maison, Every Little Bit Hurts et, dans une moindre mesure, You've Made Me So Very Happy qu'elle a aussi commis avec sa sœur et qui sera abondamment repris, notamment par Bobbie Gentry.
Pourtant, même si elles n'avaient écrit que Bah-Bah-Bah... 
Une chanson exceptionnelle, même au sein du catalogue de la Motown qui compte pourtant quelques chefs-d’œuvre. Ça vient peut-être de cette langueur mélancolique, sa tonalité à la fois légère et triste, impossible à chanter pour le commun des mortels, mais impossible à oublier non plus.
Sinon, le reste de l'album est carrément recommandable et se termine par une splendide version de Ode To Billy Joe. Et si tout n'est pas du niveau de Bah-Bah-Bah, c'est quand-même le sixième disque que les Supremes sortent en cette année 1968 !

THE PRIMITIVES Secrets

THE PRIMITIVES
Pure

Label : RCA/Lazy Records
Année : 1989
A1 Outside    
A2 Summer Rain    
A3 Sick Of It    
A4 Shine    
A5 Dizzy Heights    
A6 All The Way Down    
B1 Secrets    
B2 Keep Me In Mind    
B3 Lonely Streets    
B4 Can't Bring Me Down    
B5 Way Behind Me    
B6 Never Tell

Genre : Sugar pop
3° morceau de L'Inventaire 49 : Secrets

En 1989, nous étions quelques-uns, obsédés par la pop anglaise, à écouter Bernard Lenoir tous les soirs sur France Inter et acheter tous les deux mois les Inrockuptibles qu'on lisait de la première à la dernière ligne (essayez de faire la même chose aujourd'hui !). On avait loupé les Smiths de peu mais débarquaient les Stone Roses, les La's et nos petits chouchous de House Of love. Manchester inventait le baggy groove, le rap et l'électro n'allaient pas tarder à prendre le pouvoir, mais pour l'instant ces petits frimeurs insulaires résistaient avec des singles qui nous semblaient tellement importants qu'on se demande aujourd'hui pourquoi (presque) tout le monde les a oubliés...
Mais malgré notre obsession pour la "brit'pop", nous sommes inexplicablement passés à côtés de The Primitives, quatuor de Coventry formé en 1984 qui recruta sa chanteuse en revendiquant les influences du Velvet, de Birthday Party, des Cramps et de Jesus & Mary Chain
Si leur son et leurs compositions restent bien plus propres que les groupes cités, le groupe va vite se faire une place dans les circuits indépendants d'Angleterre. Ils créent leur propre label, Lazy Records et affolent les radios  dès leur deuxième single : Really Stupid. Leur premier album sort en 1988 et se vend à 100 000 exemplaires en Angleterre, plus de 200 000 aux États-Unis. 
S'ensuivent naturellement une tournée outre-Atlantique, puis ce deuxième album, parfait exemple de pop sucrée sans être mièvre, porté par la voix de Tracy Catell dont le timbre n'est pas sans évoquer le chant éthéré de Miki Berenyi du groupe Lush qui débarque justement en cette année 1989. Paul Court, guitariste et compositeur du groupe prend le micro à deux reprises, apportant une touche plus sombre, notamment sur la ritournelle entêtante All The Way Down qui ferme la première face.
Au final, rien de révolutionnaire dans Pure qui se contente de rassembler 12 chansons légères, enlevées et terriblement efficaces. Le genre de truc qu'on chante sous la douche. 
Comme beaucoup de leurs contemporains, The Primitives ont pris 20 ans de pause. 
Signés par les Espagnols d'Elefant Records en 2012, ils reviennent avec Echoes and Rhymes qui sera suivi en 2014 par Spin-O-Rama. Toujours actif, le groupe a sorti un quatre titre, New Thrills, en 2017.

CLARENCE CARTER Back Door Santa

SOUL CHRISTMAS
(compilation)

Label : ATCO Records
Année : 1968
A1 Clarence Carter : Back Door Santa
A2 King Curtis : The Christmas Song
A3 Otis Redding : White Christmas
A4 Joe Tex : I'll Make Every Day Christmas (For My Woman)
A5 Booker T. & The MG's : Silver Bells
A6 Carla Thomas : Gee Whiz, It's Christmas
B1 Otis Redding : Merry Christmas Baby
B2 Solomon Burke : Presents For Christmas
B3 Booker T. & The MG's : Jingle Bells
B4 William Bell : Every Day Will Be Like A Holiday
B5 King Curtis : What Are You Doing New Year's Eve

Genre : Funky Christmas Songs
3° morceau de L'Inventaire 49 : Back Door Santa

They call me back door Santa
I make all the little girls happy
While the boys are out to play
Étonnant de trouver dans un authentique disque de Noël ce Back Door Santa plutôt coquin, pour ne pas dire carrément grivois, qui passe par la porte de derrière (hum) et garde quelques pièces dans sa poche pour donner aux gamins de la maison, afin de pouvoir être tranquille avec la maîtresse de maison. 
L'album de Noël est une tradition solide aux États-Unis (et heureusement beaucoup moins en France). Ils sont tous passés par là, de Sinatra à Chet Baker en passant par Ella Fitzgerald et les Beach Boys et l'on y trouve parfois d'excellentes surprises. Notamment chez les artistes et labels de la soul et du r'n'b, capables de faire groover les plus culs-bénis des chants de Noël. 
Cet album de 1968 regroupe les plus funky des artistes Atlantic et Stax et, si l'on n'échappe pas à quelques touches de guimauve, il reste 50 ans après le plus sûr moyen de réveiller l'inévitable rassemblement familial de fin d'année entre le chapon et la bûche.  

SORT SOL Ode To Billy Joe

SORT SOL
Everything That Rises... Must Converge!

Label : Torso (Or : Medley Records)
Année : 1987
A1 Ode To Billie Joe
A2 A Knife For The Ladies
A3 Shapes Of Summer
A4 Abyss Revisited
A5 Angelus Novus
B1 Fire Engine
B2 Searching Down The Block
B3 Midget Finger
B4 Pinocchio Loose
B5 Maguerita

Genre : Dark Rock
2° morceau de L'Inventaire 49 : Ode To Billy Joe

Le rock danois n'étant pas le mieux diffusé au monde, on n'hésite pas longtemps quand on tombe sur un groupe venu du pays de Nicolas Winding Refn, surtout s'il annonce une reprise du chef-d’œuvre de Bobby Gentry, Ode To Billy Joe qui s'est naturellement imposée pour notre mix hivernal
Mais c'est loin d'être le seul morceau intéressant de ce deuxième album de Sort Sol sorti en 1987. Le groupe évoque très fortement Nick Cave et ses Bad Seeds première période, notamment par la voix du chanteur Steen Jørgensen, l'album regorge de saturations et larsens qui n'ont rien à envier à ceux de Sonic Youth et assume quelques tentations indus' bien placées. 
Sort Sol n'oublie pas d'écrire des chansons pour autant, avec un certain sens du drame sans pour autant tomber dans le kitch. Mentions spéciales au brutal Fire Engine qui ouvre la deuxième face et au superbe Maguerita qui la clôt. Pas de remplissage ni de mauvais goût : un bon album bien sombre et écorché qui laisse à penser que le Danemark est une terre de rock à explorer.
Même s'il ne reste plus que deux membres de la formation initiale, Sort Sol existe encore et a sorti son neuvième album en 2017, Stor Langsom Stjerne, au son carrément plus électronique, mais toujours digne d’intérêt.

LUCIANO PERRONE E RITMISTAS BRASILEIROS Réco-Réco No. 1

LUCIANO PERRONE E RITMISTAS BRASILEIROS
Battucada Fantastica

Label : Musidisc/MGM
Année : 1962
A1 Samba Quente    
A2 Frigideira    
A3 Ensaio Geral    
A4 Marcha De Rancho    
A5 Tamborins    
A6 Réco-Réco No. 1    
A7 Esquentando Os Tamborins E Cuicas    
A8 Maracatú    
A9 Prato E Faca    
A10 Baião    
A11 Atabaques E Surdos    
B1 Candomblé    
B2 Agogô    
B3 Samba- 1 Andamento    
B4 Samba- 2 Andamento    
B5 Marcha De Carnaval    
B6 Cuíca    
B7 Réco-Réco No. 2 (Bossa Nova)    
B8 Maxixe    
B9 Afoché    
B10 Pandeiro    
B11 Samba Drums (Solo De Luciano Perrone)
Genre : Folk do Brasil
1° morceau de L'Inventaire 49 : Réco-Réco No. 1

Le titre annonce la couleur : un album dédié aux rythmes brésiliens, joués par une batucada menée par Luciano Perrone, batteur virtuose qui s'accorde un solo en fin d'album. 
Les morceaux sont très courts, souvent moins d'une minute, enregistrés pour donner un échantillon des principaux rythmes exécutés par ce type de formation. Outre l'intérêt documentaire de cette démarche, il faut saluer ici le remarquable travail d'enregistrement qui restitue très clairement le son de chaque percussion et joue habilement de la stéréophonie pour donner l'espace nécessaire à cette musique. Les albums essentiellement rythmiques peuvent vite s'avérer emmerdants, ce n'est pas le cas de celui-ci, probablement grâce à la richesse de ses textures sonores. 
A part ça, la superbe pochette est signée Aldemir Martins, peintre brésilien dont on peut apprécier le style ici.
Pour boucler la boucle, l'Inventaire 49 se finit avec un autre extrait de l'album,  Esquentando Os Tamborins E Cuicas.






mardi 24 octobre 2017

Inventaire 48 - La Marca de Anubis


THE GUN CLUB The Breaking Hands

THE GUN CLUB
Mother Juno

Label : Danceteria
Année : 1987
A1 Bill Bailey
A2 Thunderhead
A3 Lupita Screams
A4 Yellow Eyes
B1 The Breaking Hands
B2 Araby
B3 Hearts
B4 My Cousin Kim
B5 Port Of Souls

Genre : Dream Rock
8° morceau de L'Inventaire 48 : The Breaking Hands

Difficile d'imaginer ce qui a pu rapprocher le junkie obsédé par le blues et la rédemption Jeffrey Lee Pierce et le sculpteur d'atmosphère oniriques Robin Guthrie. Toujours est-il qu'un jour l'âme damnée du Gun Club a enregistré un album produit par le guitariste et compositeur des Cocteau Twins. Et le résultat ressemble a un album du Gun Club au son étrange, arrondi et éthéré, une incongruité dans une discographie de toute façon aussi bordélique qu'inégale.
Jeffrey Lee Pierce a beau être devenu un mythe souterrain (une sorte de Kurt Cobain confidentiel...), ses coups de génie côtoient les morceaux non aboutis, poussifs ou superflus, souvent sauvés il est vrai par son chant plaintif qui semble émerger du plus profond d'une âme aussi angélique que torturée. Les puristes préférent évidemment la première période et notamment l'indispensable premier album Fire Of Love
Mais il y a ce miracle en début de face 2, The Breaking Hands. L'alliage impossible prend forme : Jeffrey Lee Pierce et Robin Guthrie accouchent d'un morceau qui ressemble à du Cocteau Club ou du Gun Twins, aidé par les notes slidées d'un Kid Congo plus inspiré que jamais. Le reste de l'album, s'il n'a pas le son sauvage qui convient au groupe, tient plutôt bien la route au niveau des compositions, avec une guest star de luxe, Blixa Bargeld, qualifié ici d'"inexplicable guitariste".
Finalement, Mother Juno n'est peut-être pas un album si incongru que ça. JL Pierce n'a-t-il pas déclaré à son propos : "Nous envisagions un album qui sonnerait comme les vagues de l'océan"... Sur The Breaking Hands au moins, mission accomplie. 

THE FEDERATORS STEEL BAND Grenadine Jump-Up

BOMBA!
Music of the Caribbean

Label : Monitor
Année : 196?
A1 Pleneros Ponceño : Santa Maria A2 The Federators Steel Band : Grenadine Jump-Up    
A3 Colon Sisters And Paquito Lopez Cruz Ensemble : Cañon    
A4 The Federators Steel Band : Badjan Mambo    
A5 Trio Armonia : Porque Te Quiero, Quiereme
A6 Vaccines Petionville : Ra Ra No. 2    
A7 Colon Sisters And Paquito Lopez Cruz Ensemble : Las Gallaretas    
B1 Ensemble From Loiza Aldea : Bomba    
B2 Colon Sisters And Paquito Lopez Cruz Ensemble : Siña Maria, La Colora    
B3 Trio Armonia : Franjas De Agua    
B4 Trio Chanteclair : Choucoune    
B5 The Federators Steel Band : Beef Island Merengue    
B6 Colon Sisters And Paquito Lopez Cruz Ensemble : Trigeña Hermosa    
B7 Trio Armonia : Vano Empeno

Genre : Calypso y carribean groove
7° morceau de L'Inventaire 48 : Grenadine Jump-Up

Encore un album ramassé à la pochette. Comment résister à cette photo dont l'exotisme est scrupuleusement reconstitué en studio ? Deux modèles gentiment métissés, trois bongos, une plante, un peu de sable, une lune plus ou moins artificielle et un peu de fumée... 
Le contenu s'avère en revanche nettement plus authentique : une compilation d'artistes venus de Trinidad, Puerto Rico, Haïti, etc, enregistrés sans fioritures en valorisant l'acoustique des instruments et l'authenticité des chansons saisies dans leur forme la plus brute. 
Basé à New York, le label Monitor s'est spécialisé dans l'édition de musiques populaires et folkloriques venues du monde entier. De réputation, il se distingue par la qualité de ses enregistrements mais aussi par la densité de ses notes, au dos des pochettes, qui replacent les musiques dans leur contexte géographique et historique et apportent de précieuses informations sur les instruments utilisés, les spécificités des morceaux et le type de formation qui les jouent. Enfin, le rédacteur détaille en quelques lignes le contenu de chaque plage. 
Ici c'est Carter Harman qui s'y colle, un ancien militaire devenu compositeur et critique musical qui a vécu à Porto-Rico et semble connaître le répertoire local sur le bout des doigts. 
Plus encore que les chansons, les instrumentaux qui occupent un bon tiers de l'album gardent encore aujourd'hui une beauté acoustique et une force de dépaysement qui rendent l'album très précieux.

ROSE ROYCE That's What's Wrong With Me

ROSE ROYCE
Strikes Again

Label : Whitfield Records/Warner Bros
Année : 1978
A1 Get Up Off Your Fat
A2 Do It, Do It
A3 I'm In Love (And I Love The Feeling)
A4 First Come, First Serve
A5 Love Don't Live Here Anymore
B1 Angel In The Sky
B2 Help
B3 Let Me Be The First To Know
B4 That's What's Wrong With Me

Genre : Sure It's Funky !  
6° morceau de L'Inventaire 48 : That's What's Wrong With Me

Leur fait de gloire reste la B.O. de Car Wash, compilation de pépites disco funk, plus célèbre que le film lui-même. Rose Royce est un groupe de Los Angeles qui commence par accompagner le chanteur Edwin Starr puis émerge sous son propre nom en 1976, à ce moment charnière où le funk double les temps forts et accueille avec plus ou moins de bonheur synthés et violons pour achever sa mutation vers la musique qui fera danser Travolta et relancera la carrière des Bee Gees
Mais Rose Royce est surtout le troisième missile du producteur Norman Whitfield, l'homme qui a fait passer les Temptations de la soul au funk psychédélique, avant de se rabattre sur les plus malléables Undisputed Truth. A la fin des années 70, Whitfield s'émancipe du patron de Motown, Berry Gordy, et prend en main le nonette qu'il  ne lâchera plus jusqu'à leur septième album en 1982, audacieusement nommé Stronger Than Ever...
Il vaut mieux se concentrer sur les premiers 33t cependant qui, malgré quelques fautes de goût et une production un brin chargée, provoquent encore quelques irrésistibles montées de groove. On n'est pas loin des Kool & The Gang et Earth, Wind & Fire premières périodes, avec ici le chant énergique de Lisa Taylor, dont l'album solo sorti en 2013 n'a pas traversé l'Atlantique.

 



THE STRAWBERRY ALARM CLOCK Barefoot in Baltimore

THE STRAWBERRY ALARM CLOCK
Best Of

Label : Back-Trac Records
Année : 1985
A1 Incense & Peppermints
A2 Strawberrys Mean Love
A3 Rainy Day Mushroom Pillow
A4 Birds In My Tree
A5 Tommorrow
B1 Barefoot In Baltimore
B2 Sit With The Guru    
B3 Sea Shell
B4 Lose To Live
B5 Pretty Song From Psych-Out

Genre : Good Trip
5° morceau de L'Inventaire 48 : Barefoot in Baltimore

Oui, le groupe s'appelle "Réveil fraise" et la liste des morceaux de ce best-of ne laisse aucun doute sur la bande de gentils hippies défoncés à qui nous avons affaire. 
"Encens et menthe poivrée", "L'oreiller champignon des jours pluvieux", "Assis avec le gourou" ou encore"Pieds-nus à Baltimore" qui enfume tranquillement notre mix 48. 
On est plutôt dans un psychédélisme doux, parfois même mollasson, jamais très loin de la pop bubble-gum, mais quand-même suffisamment inspiré et varié pour ne pas sombrer dans la niaiserie totale. Malheureusement, les Strawberries se laissent mener par le bout du nez par leurs producteurs qui les spolient gentiment sur les droits d'auteurs et leur imposent des paroliers qui accumulent les clichés du psychédélisme ambiant sans la moindre idée de ce qu'ils racontent. 
Malgré le voisinage des Virgin Prunes, des Seeds et autres fous furieux du Los Angeles sous acide de la fin des années 60, le sextet pond quatre albums relativement anecdotiques, dont ce bien nommé "best of" récupère l'essentiel. Incense & Peppermints figurera quand-même sur la réédition en coffret 4CD de la mythique compilation Nuggets, ce qui reste un gage de qualité. 
A écouter dans la position du lotus, lors d'un lever de soleil printanier plein de promesses...
 

LIL' KIM Can You Hear Me Now?

LIL' KIM
La Bella Mafia

Label : Atlantic
Année : 2003
A1 Intro
A2 Hold It Now
A3 Doing It Way Big
A4 Can't F**k With Queen Bee
B1 Hollyhood Skit    
B2 Shake Ya Bum Bum
B3 This Is Who I Am
B4 The Jump Off
B5 This Is A Warning
C1 (When Kim Say) Can You Hear Me Now?
C2 Thug Luv
C3 Magic Stick
C4 Get In Touch With Us
D1 Heavenly Father
D2 Tha Beehive
D3 Came Back For You

4° morceau de L'Inventaire 48 : (When Kim Say) Can You Hear Me Now?

Le cas de Lil' Kim est un peu ambigü. En 1996, lorsqu'elle sort son premier solo, Hard Core, elle incarne la rappeuse indépendante qui a réussi dans l'univers très phallocrate du hip-hop américain tout en affichant une féminité fortement sexuée. Mais elle trimballe aussi tous les clichés du genre : ego surdimensionné, image éculée de "bad ass" biberonnée au Scarface de De Palma, guéguerre ridicule avec ses rivales, culte de l'argent et de tout ce qui brille, etc.
Si la biographie de Kimberly Denise Jones lui amène une certaine légitimité de gangsta (elle vient vraiment de la rue où elle a trempé dans les trafics en tous genres après une enfance violente), sa discographie reflète ces deux aspects : les raps les plus inspirés et authentiques côtoient les tentations r'n'b insipides, les arrangements lourdingues et toute la panoplie des tics qu'on retrouve dans les progs hip hop de MTV. 
Sur cet album, elle échappe à l'influence de son mentor Notorious B.I.G. (présent seulement sur la minute vingt-cinq qui introduit l'album) et multiplie les collaborations avec des gens aussi divers que 50 cent, Timbaland, R. Kelly, Missy Elliott, le MC virtuose méconnu en France Twista ou encore l'incontournable Kanye West
Le résultat est aussi éclectique que le casting, mais rendu homogène par le flot impeccable et le chant étonnamment émouvant (This Is A Warning, perle de R'n'B' vengeur) de la petite Kim. Autre point fort de l'album, l'injection de percussions et de mélodies orientalisantes bienvenues dans son univers, comme dans ce Can you Hear Me Now? (choisi pour le mix numéro 48), dont on peut se demander pourquoi il n'est jamais sorti en single.
Aujourd'hui, dépigmentée et refaite, Lil'Kim ressemble à une poupée Barbie qu'on aurait oublié au four, mais ses disques, eux, vieillissent plutôt bien.

THE HOUSEMARTINS Me and the farmer

THE HOUSEMARTINS
Now that's what I call quite good

Label : Go! discs / Chrysalis
Année : 1988
A1 I Smell Winter
A2 Bow Down
A3 Think For A Minute
A4 There Is Always Something, There To Remind Me
A5 The Mighty Ship    
A6 Sheep    
B1 I'll Be Your Shelter
B2 Five Get Over Excited
B3 Everyday's The Same
B4 Build
B5 Step Outside
B6 Flag Day
C1 Happy Hour
C2 You've Got A Friend
C3 He Ain't Heavy, He's My Brother
C4 Freedom
C5 The People Who Grinned Themselves To Death
C6 Caravan Of Love
D1 The Light Is Always Green
D2 We're Not Deep
D3 Me And The Framer
D4 Lean On Me
D5 Drop Down Dead
D6 Hopelessly Devoted To Them

Genre : Brit'pop lumineuse
3° morceau de L'Inventaire 48 : Me and the farmer

C'était une espèce de groupe parfait, avec des morceaux légers et dansant et de belles ballades mélancoliques, portés par une rythmique impeccable et la voix caractéristique et haut-perchée de Paul Heaton, certainement formé aux chorales anglaises. Pas de fioriture, de solos ennuyeux, ni de synthés en carton malgré la tendance environnante. Par contre : piano, harmonica, parfois quelques cuivres pétaradants, des sonorités acoustiques et claires et presque jamais de distorsion...
En plein cœur des années 80, les Housemartins étaient peut-être bien la véritable alternative aux Smiths, avec qui ils partageaient la précision d'écriture, une singulière proposition vocale, et une forme d'ironie, probablement moins incisive mais tout aussi pertinente (écoutez Five Get Over Excited). Eux aussi anglais jusqu'au bout des ongles, ils célébraient le quotidien des classes moyennes, les amitiés et les souvenirs de jeunesse et les amours perdues avec un brin de nostalgie et d'humour. Et ils reprenaient du Carole King avant que ce ne soit tendance. 
L'aventure durera 6 ans : deux albums et une dizaine de singles dont plus de la moitié se classera dans le top 20 anglais. Et cette compilation indispensable, remplies de face B, d'inédits et de Peel sessions, tous aussi soignés que le reste de leur discographie. 
A la séparation du groupe, Paul Heaton est allé noyer sa douce voix dans le sirop pur sucre de The Beautiful South. Plus inspiré, le bassiste Norman Cook a fondé Beats International avant de connaître la gloire sous le nom de Fatboy Slim. Il aurait déclaré que les Housemartins se reformeront seulement quand les Smiths feront de même... 
Donc c'est pas pour tout de suite.



CLAUDE RIGHI Rendez-vous orbital

CLAUDE RIGHI
Elle/Machine/Rendez-vous orbital/Mini-jupe et monokini

Label : Riviera
Année : 1966
Genre : Véritable variété verdâtre
2° morceau de L'Inventaire 48 : Rendez-vous orbital

"Bien sûr que je t'aime à la vitesse du son
Pour toi mon IBM composera des chansons
"
Quand un morceau commence aussi fort, il est difficile de ne pas aller jusqu'au bout ! 
Claude Righi, apparemment très préoccupé par le monde moderne et le futurisme (voir Machine sur ce même EP, mais aussi l'un de ses premiers singles, le prophétique Voilà l'an deux mille) n'a pas laissé une trace impérissable dans la chanson française. On lui doit pourtant quelques adaptations de tubes rock, soul et rhythm'n'blues en français, notamment pour Ronnie Bird, aujourd'hui célébré par certains journalistes comme le seul chanteur crédible de la période yé-yé. 
Bon, après ça se gâte : Claude Righi devient producteur pour Barclay, il s'occupe de la très justement oubliée Nicole Rieu et sera plus tard dans les pattes des débutants Patrick Bruel et François Feldman. Il serait vaguement producteur du troisième album de Michel Jonasz, Du blues, du blues, du blues, mais est-ce que ça suffit vraiment à l'excuser ? 
Reste cette face B de EP avec donc ce jerk à visée cosmique, Rendez-vous orbital, et le non moins sidérant Mini-jupe et monokini qui démarre tout aussi fort : 
"Mini-jupe et monokini
Se baladent de Londres à Paris
Mini-jupe et monokini
C'est l'angoisse de tous les maris"

LOS INICIADOS La Marca de Anubis

TENSION
Spanish Experimental Underground 1980-1985 (compilation)

Label : Munster Records
Année : 2012
A1 Klamm :The Past Is Frozen    
A2 La Fundación : Repetición    
A3 New Buildings : Historias Para Largos Recorridos    
A4 Mar Otra Vez : He    
B1 Clónicos : Cha Cha Cha    
B2 La Caída De La Casa Usher : ¡Baila, Negro!    
B3 Claustrofobia : París Nostàlgic (Tango)    
B4 La Gran Curva : Tensiòn    
C1 T : Dot    
C2 Los Iniciados : La Marca De Anubis    
C3 Depósito Dental : Dodo (+ Introducción Dental)    
C4 Il Época Del Hombre : Me Bato Contra Dios    
D1 429 Engaños : Corazones    
D2 Xeerox : Viejo Decorado Elèctrico 4    
D3 Neo Zelanda : Paso Hambre    
D4 Teatro Negro De Praga : Distanciamiento    
D5 1985-s : No Hay Perros Calientes

Genre : Spanish Experimental Underground
1° morceau de L'Inventaire 48 : La Marca de Anubis

J'ai déjà raconté ici comment j'ai découvert par hasard le post punk et la new-wave espagnols. Un peu moins par hasard, mais toujours de façon inattendue, voilà-t-y pas que je tombe des années après sur cette compilation sortie sur le vénérable label Munster Records ! Un peu désarçonné au début par les sonorités vraiment très radicales du premier morceau, je réalise dès la seconde plage que, malgré le grand format de ce double LP, je dois passer du 33t au 45t pour écouter les morceaux tels qu'ils ont été enregistrés... 
A part ça, la compilation tient toute les promesses de sa pochette aussi séduisante que glaçante : on est bien dans les expérimentations bruitistes et synthétiques des années 80 avec parfois l'embryon d'une structure couplets/refrains, mais la plupart du temps  plutôt une volonté de réinventer ou violenter les codes de la pop. Bien sûr, l'entreprise s'avère parfois vaine, pour ne pas dire emmerdante (l'interminable reggae synthétique de Claustrofobia...), mais c'est le prix à payer pour découvrir un pan entier de la culture espagnole en pleine explosion. Le récit déclamé sur improvisations de sax de New Buildings, La cold wave schizophrène de La Caida De La Casa Usher, les bidouillages hypnotiques d'Il Epoca Del Hombre et une quatrième face vraiment barrée, mais finalement pas très éloignée des recherches de l'IRCAM... Un grand souffle de liberté, d'autant plus touchant qu'il nous vient de trente ans en arrière.
Après avoir choisi Los Iniciados et leur Marca de Anubis pour ouvrir ce mix, on découvre, en lisant les notes qui accompagnent la compilation, que le groupe est une émanation d'El Aviador Dro qui figurait dans notre Inventaire numéro 8. C'est ce qui s'appelle avoir de la suite dans les idées. Inutile de dire que les albums d'origine de ces deux groupes sont carrément introuvables !      

 

lundi 10 juillet 2017

Inventaire 47 - Five Years

RHODA DAKAR The Boiler

THIS ARE 2 TONE
(compilation)

Label : Two Tone
Année : 1983
A1 The Special A.K.A : Gangsters
A2 Madness : Madness
A3 The Selecter : On My Radio
A4 The Beat : Tears Of A Clown
A5 The Specials : Rudi, A Message To You
A6 The Selecter : Too Much Pressure
A7 The Bodysnatchers     : Too Experienced
A8 The Beat : Rankin Full Stop
A9 The Specials : Too Much Too Young
B1 The Selecter : The Selecter
B2 The Specials : Stereotype
B3 The Swinging Cats : Mantovani
B4 The Specials : Do Nothing
B5 Rico : Jungle Music
B6 Rhoda Dakar : The Boiler
B7 The Specials : Ghost Town

Genre : Paranoid Ska
7° morceau de L'Inventaire 47 : The Boiler

Rhoda Dakar n'a pas 20 ans quand elle intègre le Browley Contingent, gang de jeunes londoniens qui suivent les Sex Pistols dans leur moindre déplacement. C'est là qu'elle rencontre Shane MacGowan, futur chanteur des Pogues qui lui présente Nicky Summers, à la recherche d'une chanteuse pour son groupe de ska à dominante féminine : The Bodysnatchers
Le groupe connaîtra une existence éphémère, la majorité de ses membres ira former les Belle Stars qui cartonneront au début des années 80. Mais pas Rhoda qui s'est trouvée une famille au sein du label 2 Tone Records et assure quelques parties vocales au sein des Specials, avant de faire partie officiellement de The Special A.K.A.. 
Entre les deux, il y a ce terrible single, The Boiler, qui raconte l'histoire d'une femme effacée, peu sûre d'elle-même, qui se fait draguer puis violer par un homme rencontré dans un magasin de vêtements. Sous ses airs de ska classique, cette chanson confirme les ambitions artistiques, politiques et sociales de Jerry Dammers, compositeur et gardien du label 2 Tone, familier des sujets qui font mal, qui n'a pas hésité à sortir un morceau aussi oppressant en single. 
Mais il ne faut pas s'y tromper pour autant, c'est bien Rhoda Dakar elle-même qui porte la maternité de cette chanson puissante, inspirée par l'agression subie par une de ces amies. 
On est très loin du ska festif, mais pas loin du chef-d’œuvre.  

LUSH Bitter

LUSH
Scar

Label : 4AD
Année : 1989
A1 Baby Talk
A2 Thoughtforms
A3 Scarlet
B1 Bitter
B2 Second Sight
B3 Etheriel


Genre : Pop with noise
6° morceau de L'Inventaire 47 : Bitter

Lorsque sort ce premier (mini) album, Lush est encore un groupe brouillon, partagé entre le nuage de saturation qui allait bientôt rendre célèbre Ride et My Bloody Valentine et une pop plus éthérée héritée notamment de leurs ainés du label 4AD : Cocteau Twins
Ce six titres porte d'ailleurs la patte du producteur maison, John Fryer, peut-être pas la personne la mieux indiquée pour démêler les fulgurances d'inspiration des maladresses d'un groupe encore timide et mal dégrossi, qui finirait par aller vers la lumière. Mais c'est justement par ses gaucheries que le résultat reste émouvant aujourd'hui, témoin d'un temps où la pop se cherchait de nouvelles voies, éperdument accrochée à ses guitares au beau milieu des innovations du hip-hop et de l'électro.
Emmené par ses deux guitaristes/chanteuses Miki Berenyi et Emma Anderson, Lush n'obtiendra jamais la reconnaissance critique des champions électriques de l'époque comme les Boo Radleys, sans parler de leurs cousins américains de label, les écrasants Pixies. En 1996, alors que l'unanimité commence à se faire autour de l'album Life, plus direct que ses prédécesseurs, le suicide du batteur Chris Acland met immédiatement fin à l'aventure.
En 2016, Lush a recruté le batteur d'Elastica pour deux singles et une tournée qui sonnent exactement comme 20 ans en arrière...

IDRIS MUHAMMAD Camby Bolongo

IDRIS MUHAMMAD
Turn This Mutha Out

Label : Kudu
Année :1977
A1 Could Heaven Ever Be Like This
A2 Camby Bolongo
A3 Turn This Mutha Out
B1 Tasty Cakes
B2 Crab Apple
B3 Moon Hymn
B4 Say What
Genre : Jazz'n'groove
5° morceau de L'Inventaire 47 : Camby Bolongo


Quatre ans après avoir lancé CTI, son label de jazz sophistiqué, électrique et déjà passablement funky, Creed Taylor lance en parallèle Kudu au sein duquel se décline un jazz plein de soul, tout à fait en phase avec son époque.
La figure la plus emblématique du label est certainement le saxophoniste Groover Washington Jr dont le groove redoutable se perd parfois sous des litres de sirop de glucose. Idris Muhammad était alors son batteur de prédilection et on le retrouve d'ailleurs sur nombre d'albums du label, sans compter les quatre qu'il a sorti sous son nom.  Turn This Mutha Out est son troisième pour Kudu, sorti en pleine fièvre disco et ça s'entend sur quelques morceaux aux arrangements taillés pour le Studio 54.
Un peu plus tribal, Camby Bolongo (inclus dans le mix 47) se construit autour de quelques notes du trompettiste Randy Brecker dont le jeu sobre tranche avec les démonstrations virtuoses qu'il assènera par ailleurs. Il laisse ainsi suffisamment de place à Jeremy Steig dont la flûte embarque le morceau vers un truc à la fois moelleux et dansant qui sonne impeccablement 40 ans après. Même si le reste de l'album comporte quelques redoutables rythmiques prisées des chasseurs de sample, aucun morceau n'égale la fraîcheur inspirée de celui-ci.
En 1979, Idris Muhhamad quitte le label Kudu mais il enregistra jusque peu de temps avant sa mort survenue en 2014. De Lou Donaldson à Pharoah Sanders en passant par George Benson et Youssou N'Dour la liste de ses collaborations est immense et déborde du cadre du jazz.


JOHNNY JOHNSON & HIS BANDWAGON Never Let Her Go

JOHNNY JOHNSON & HIS BANDWAGON

(Blame It) On The Pony Express/
Never Let Her Go

Label : Bell Records
Année : 1970
Genre : Soul Funk
4° morceau de L'Inventaire 47 : Never Let Her Go


Le site Wikipédia annonce que Johnny Johnson s'est retiré du business épuisé, à la fin des années 70. Discogs affirme qu'il est mort en 1979...
Ce qui est sûr c'est que sa discographie est maigre et, malgré quelques morceaux classés dans les charts, totalement oubliée aujourd'hui. Il n'y a guère que les nostalgiques très pointu de la Northern Soul pour aller extirper Breakin' Down the Walls of Heartache (quel titre !), premier 45t du groupe et petite perle du genre, reprise en 1983 sur le troisième album des Dexy's Midnight Runners. Le groupe s'appelait alors simplement The Bandwagon et se présentait comme un quatuor vocal, ce qui fait qu'on n'a jamais su qui assurait le groove derrière les harmonies vocales...
Au début des années 70, ayant pris conscience que sa musique fait fureur auprès des Anglais qui écument les clubs et se déchainent sur la soul sixties (comme raconté dans le joli film Northern Soul), il s'installe à Londres et sort coup sur coup deux singles : Sweet Inspiration et  (Blame It) On The Pony Express. Ce dernier devient très vite un petit tube. Le morceau a un petit côté Four Tops très arrangé, un peu trop sucré... 
On lui préfèrera facilement la face B, ce Never Let Her Go funky à souhait, qui réveille encore les divas du dancing aujourd'hui, qu'elles soient nostalgiques de Northern Soul... ou juste friandes de bonne musique.