lundi 1 septembre 2014

Inventaire 27 - Nippon Guitars & Country Opera


COLLIN WALCOTT Prancing

COLLIN WALCOTT
Cloud Dance

Label : ECM
Année : 1976
A1 Margueritte
A2 Prancing
A3 Night Glider
B1 Scimitar
B2 Vadana
B3 Eastern Song
B4 Padma
B5 Cloud Dance


Genre : Jazz Prog
8° morceau de L'inventaire 27 : Prancing

Un peu perdue, un peu fatiguée après la radicalisation du free, la génération de jazzeux des années 70/80 ne sait plus quoi faire pour réinventer la musique et se perd un peu dans le conceptuel et l'abstraction, donnant plutôt envie de prendre une aspirine que d'écouter la face B. Il serait pourtant stupide de tout jeter en bloc, le recul sur cette période un peu confuse permettant aujourd'hui de déceler quelques albums où l'inspiration audacieuse l'emporte sur les prouesses techniques et la masturbation intellectuelle.
Le catalogue du label ECM Records est certainement le meilleur représentant de cette génération très inégale dont il a signé les artistes les plus emblématiques : Carla Bley, Steve Wallow, Keith Jarrett, Pat Metheny, l'Art Ensemble Of Cihcago, etc...
Nettement moins célèbre, Collin Walcott est un américain dont la courte carrière (il meurt dans un accident de voiture avant ses 40 ans) est dédiée à la sitar et aux percussions indiennes. Sur ce premier album, il est accompagné par la section rythmique star d'ECM : Jack Dejohnnette à la batterie et Dave Holland à la basse. S'il est à l'époque souvent recruté parce qu'il est l'un des rares américains à maîtriser le sitar, on retiendra surtout les deux morceaux au tabla. Notamment ce Prancing, où il dialogue avec la contrebasse et parvient, pendant 3 minutes 24, à réveiller un album par ailleurs un peu emmerdant. 

GRACE JONES Walking In The Rain

GRACE JONES
Nightclubbing

Label : Island 
Année : 1981
A1 Walking In The Rain
A2 Pull Up To The Bumper
A3 Use Me
A4 Nightclubbing
B1 Art Groupie
B2 I've Seen That Face Before (Libertango)
B3 Feel Up
B4 Demolition Man
B5 I've Done It Again

Genre : Synth Pop
7° morceau de L'inventaire 27 : Walking In The Rain

Elle incarne à elle toute seule les années 80. Top model née en Jamaïque, Grace Jones deviendra l'égérie et la compagne de Jean-Paul Goude qui usera et abusera de sa beauté androgyne, lisse et musclée, quelque part entre les humanoïdes répliquants de Blade Runner et l'être qui venait d'ailleurs cher à David Bowie. Au tournant des années 70/80, c'est pourtant une artiste bien réelle qui enflamme les soirées parisiennes, affichant la même classe mystérieuse sur la scène du Palace que dans les publicités pour Citroën et, bien sûr, les défilés de mode orchestrés par Goude... En accord avec ce physique ambigu, Grace Jones possède une voix grave et puissante qu'elle mettra dans ses premiers albums au service d'un disco de circonstance, avant de trouver ses marques dans une pop synthétique qui n'empêche pas les sentiments. En témoignent ses deux plus grands succès : une version chaloupée de La Vie en Rose et Libertango (sur cet album), une reprise d'Astor Piazzolla qui anticipe de presque 20 ans le son soi-disant novateur du Gotan Project...
Comme sur Warm Leatherette, l'album précédent, Grace Jones est ici entourée de pointures, notamment  la section rythmique Sly Dunbar/Robbie Shakespeare dont nous avons déjà largement évoqué les talents dans ce blog. Maîtrisant à merveille l'alternance de passages parlés et d'envolées lyriques qui sont sa signature, elle revisite sans complexe Iggy Pop, Bill Withers et même Police. Elle fait merveille avec cette reprise de Walking in the rain, écrit deux ans plus tôt par les Australiens Vanda et Young (The Easybeats, puis Flash and the pan).
 

BLUE ÖYSTER CULT Then Came The Last Days Of May

BLUE ÖYSTER CULT
(premier album)

Label : CBS
Année : 1972
A1 Transmaniacon MC
A2 I'm On The Lamb But I Ain't No Sheep   
A3 Then Came The Last Days Of May   
A4 Stairway To The Stars
A5 Before The Kiss, A Redcap
B1 Screams
B2 She's As Beautiful As A Foot
B3 Cities On Flame With Rock And Roll
B4 Workshop Of The Telescopes
B5 Redeemed
Genre : Psychedelic Hard Rock
6° morceau de L'Inventaire 27 : Then Came The Last Days Of May

Si on identifie d'entrée les riffs saturés et la batterie massive bien pratiques pour ranger le groupe dans la case "hard rock", on n'en est qu'aux balbutiements : il faudra encore quelques années avant que le genre vire à l'auto-caricature. Les New-yorkais de Blue Öyster Cult ont beau être surchargés en électricité, leur groupe, formé sur les cendres d'une obscure formation psyché (Soft White Underbelly), doit autant aux inévitables Led Zeppelin (difficile de ne pas voir dans le Stairway To The Stars de ce premier album une réponse/clin d'oeil au Stairway To Heaven sorti l'année d'avant sur le quatrième album des Anglais tout puissants), qu'aux hallucinations chimiques chères à Timothy Leary et aux improvisations littéraires de la Beat Generation
Du coup, ce coup d'essai fait preuve d'une inspiration très éclectique et d'une bonne dose d'humour (il en faut pour intituler une chanson "Elle est aussi belle qu'un pied".) Les morceaux, paroles et musique, sont composés par l'ensemble du groupe, un esprit d'ouverture qui accueillera même sur les albums suivants des paroliers aussi prestigieux que la grand-mère à PJ Harvey (Patti Smith, à l'époque compagne du guitariste et claviériste du groupe, Allen Lanier) où encore l'écrivain visionnaire Michael Moorcock.
Avec sa pochette qui semble tirée des premiers numéros d'(A SUIVRE) et sa production qui magnifie l'électricité, le premier album de Blue Öyster Cult est un de ces disques qui mérite d'être régulièrement sorti de l'oubli. 

CELIA CRUZ & JOHNNY PACHECO Cucala

CELIA & JOHNNY
Tremendo Caché

Label : Vaya Records
Année : 1975
A1 Cucala
A2 Orizah Eh
A3 Tres Dias De Carnaval
A4 No Me Hables De Amor
A5 Dime Si Llegue A Tiempo    
B1 La Sopa En Botella
B2 De La Verdegue
B3 Ni Hablar
B4 Rico Changi
B5 No Aguanto Mas


Genre : Latino Buttshaker
5° morceau de L'inventaire 27 : Cucala

Même si dans les années 70 la chanteuse et son "chef d'orchestre" sont déjà des légendes en Amérique du sud et chez les amateurs de son y salsa, cet album sera celui de la renommée internationale. Peut-être parce qu'il était temps... Peut-être aussi parce qu'il sort dans la foulée d'un concert historique, celui que Celia Cruz donna avant James Brown, à Kinchasa, pour la célébration du match Muhammad Ali/George Foreman
Dans le documentaire Soul Power de Jeffrey Levy-Hinte, on peut voir un extrait de cette prestation hallucinante où Pacheco dirige en dansant, assure la cohésion entre l'orchestre et les échappées vocales de Celia Cruz et accorde à Ray Barretto la place qu'il mérite : celle du maître incontesté des percussions sud-américaines.
Bien sûr, l'enregistrement studio n'a pas tout à fait la fièvre du concert africain, même si, de toute évidence, cet album sans temps faible capture le groupe dans les conditions du live. En témoigne ce Cucala inclut dans l'Inventaire 27, à peine plus sage que la version qu'on peut voir dans Soul Power...

MIDNIGHT MOVERS Crabs

MIDNIGHT MOVERS
Do It In The Road

Label : Elephant V/Roulette
Année : 1970
A1 Music Makers
A2 Medicater Goo
A3 Crabs
A4 Stop Look And Listen
B1 Why Don't We Do It In The Road
B2 Tough Enough
B3 Try Our Thing

Genre : Groovy Baby
4° morceau de L'inventaire 27 : Crabs

Encore une pochette sur laquelle on peut difficilement se tromper, même si l'on n'a jamais entendu parler des Midnight Movers. Surtout qu'au verso on découvre la section de cuivres avec le même look seventies, ainsi qu'une petite présentation du groupe rédigée par Howard Weissman (?) qui apprendra aux anglophones que, si cet album est la première sortie officielle du groupe, ses membres trainaient tous depuis quelques années sur le circuit soul & rhythm'n'blues. 
En fait, les Midnight Movers ont été assemblés par George Patterson Jr, saxophoniste et arrangeur né à Chicago où il a appris la musique et s'est passionné tout d'abord pour le jazz, entre autres John Coltrane qu'il a vu en concert à plusieurs reprises, rencontré et interrogé sur l'art de l'improvisation... 
C'est le début d'une longue carrière musicale qui le verra multiplier les formations jusqu'à celle-ci, initialement appelée Midnight Movers Unlimited, qui accompagnera notamment Wilson Pickett et les Isley Brothers à leur période funky. Bref, c'est ce qu'on appelle un groupe de sessions, dont le guitariste, Charles Pitts, est d'ailleurs entré dans l'histoire en jouant l'emblématique wah-wah sur le Shaft d'Isaac Hayes
Sous leur nom il n'y aura que deux albums, pas faciles à trouver, surtout ce premier sorti sur un label minuscule, enregistré dans un petit studio avec un 4 pistes rudimentaire. Le LP est d'inspiration inégale, mais il comporte quelques perles de rare groove, dont la reprise des Beatles qui donne son titre à l'album et Crabs, le court instrumental choisi pour notre mix numéro 27.

Les informations récoltées sur le groupe viennent directement d'un blog rédigé dans un français parfois approximatif, mais très enthousiaste et très bien documenté : Blog de soul quinquin.

GIANT SAND Detained

GIANT SAND
Tucson : A Country Rock Opera

Label : Fire Records
Année : 2012
A1 Wind Blown Waltz
A2 Forever And A Day
A3 Detained
A4 Lost Love
B1 Plane Of Existence
B2 Undiscovered Country
B3 Love Comes Over You
B4 Thing Like That
B5 The Sun Belongs To You
C1 We Don't Play Tonight
C2 Ready Or Not
C3 Mostly Wrong
C4 Hard Morning In A Soft Blur
C5 Recovery Mission
D1 Slag Heap
D2 Not The End Of The World
D3 Caranito
D4 Out Of The Blue
D5 New River 

Genre : 21st Century Country Rock
3° morceau de L'inventaire 27 : Detained

Bientôt trente ans d'existence souterraine... La créature d'Howe Gelb est née dans le Sud des États-Unis au beau milieu des années 80 et se range dans une case mal définie de rock indépendant, résolument moderne mais quand-même bien imprégné de l'héritage de la musique populaire de l'Amérique profonde. 
Bien que le personnel, aux côtés du leader, chanteur, guitariste et pianiste ait souvent changé, deux membres vont marquer le groupe  : John Convertino qui prend la batterie à partir du quatrième album et le bassiste Joey Burns, qui arrive plus tard, mais devient vite essentiel à l'identité de Giant Sand.
La formule semble idéale et produira une discographie admirable jusqu'à Cover Magazine en 2001. La créativité du trio semble intarissable avec, en plus des albums réguliers de Giant Sand, le Band Of Blacky Ranchette qui convoque sonorités country et imagerie western, ainsi que l'album unique d'OP8 qui rassemble le trio plus la chanteuse Lisa Germano : le genre de truc sorti de nulle part et sans lendemain qu'on amènerait volontiers sur une île déserte...
Mais le succès ne vient toujours pas, tandis que le projet satellite de Burns et Convertino décroche la timbale : Calexico. La brouille vient peut-être de là, peut-être du caractère d'Howe Gelb, toujours est-il que ce dernier se retrouve en 2004 seul aux commandes de Giant Sand et sort un album qui commence par un morceau appelé... Classico !

Depuis, il a su trouver de nouveaux camarades de jeux avec lesquels il sort régulièrement des albums très mal distribués. Tel cet ambitieux et magnifique Tucson : A Country Rock Opera qui est sorti en 2012 uniquement sur Fire Records, le label anglais qui suit le groupe depuis de nombreuses années.
Ballades torturées, rock sauvages qui se désagrègent au bout de quelques minutes, reprises détournées du droit chemin, Giant Sand peut aussi bien jouer ses chansons dans un vieux bar de rednecks que dans un festival punk rock, voire dans un club de jazz. Pas sûrs qu'ils ne se fassent pas virer des trois cependant : Howe Gelb a beau assimiler toute l'histoire de la musique et la digérer avec une facilité déconcertante, il ne tient pas en place, déteste la facilité et ne sait finalement faire qu'une musique, la sienne !


Pour en savoir plus sur Howe Gelb (et plein d'autres) nous ne saurions trop vous conseiller la lecture de Retour à Sonora de Nicolas Moog, une plongée dans Tucson, Arizona à la rencontre de ses musiciens, dont 8 pages en compagnie de l'âme pas vraiment damnée de Giant Sand. C'est beau et ça fait pas cher du voyage aux States...

T-REX Cadillac

T-REX
Telegram Sam/Cadillac


Label : Ariola
Année : 1972
Genre : Pop glamour
2° morceau de L'inventaire 27 : Cadillac


Porté par son compositeur et leader Marc Bolan, T-Rex fait le lien entre l'efficacité de la pop sixties et les débauches d'électricité qui marqueront les années 70. C'est un groupe à singles, alignant les petites bombes de trois minutes et demi, riffs saturés en avant, avec cette voix légèrement acide de Bolan qui invente le "glam rock" sans le faire exprès. 
On mesure mal aujourd'hui l'importance du groupe et du personnage, Marc Bolan et son physique d'ange chevelu, légèrement androgyne, terriblement charismatique sur scène et lors de ses apparitions télé, surtout lorsqu'il débarque à la BBC perché sur des plateform boots avec un boa en plume autour du cou. Il deviendra l'ami mais surtout une influence majeure du Bowie première période.
Telegram Sam est le premier single pour EMI, quelques mois après l'album grandiose Electric Warrior sorti chez Fly Records et qui marquait le passage au 220 volts pour la bande à Bolan. Le titre atteindra le numéro un en Angleterre  et figurera sur le 33t The Slider, dernier grand album de T-Rex. En revanche, Cadillac, la face B choisie pour le mix, ne figure que dans quelques compilations et, bien sûr, dans ce 45t originel qui confirme l'idée que, dans la période de "T-Rextacy" (entre 70 et 73), il faut tout ramasser : albums, singles et autres inédits découverts sur le tard. 

PS : Les auditeurs attentifs auront remarqué que mon exemplaire a une rayure sur l'intro qui crée une syncope inédite sur la batterie... Une sorte de remix involontaire mais plutôt réussi !

TAKESHI TERAUCHI Hoshi Eno Tabishi

TAKESHI TERAUCHI
Nippon Guitars 

Label : Big Beat Records
Année : 2011 (1966-74)
A1 Takeshi Terauchi & The Bunnys : Ganroku Hanami Odori
A2 Takeshi Terauchi & The Bunnys : Rising Guitar
A3 Takeshi Terauchi & The Bunnys : Sado Okesa
A4 Takeshi Terauchi & The Bunnys : The Clamour Of The Sun
A5 Takeshi Terauchi & Blue Jeans : Hoshi Eno Tabishi (Journey To The Stars)
A6 Takeshi Terauchi & Blue Jeans : Meiji Ichidai Onna
A7 Takeshi Terauchi & Blue Jeans: Sa No Sa
A8 Takeshi Terauchi & The Bunnys : South Pier
B1 Takeshi Terauchi & The Bunnys : Summer Boogaloo
B2 Takeshi Terauchi & Blue Jeans : Touryanse
B3 Takeshi Terauchi & Blue Jeans : Meigetsu Akagi Yama
B4 Takeshi Terauchi & Blue Jeans : Nambuzaka Yuki No Wakare
B5 Takeshi Terauchi & Blue Jeans : Tsugaru Yamabiko Uta (Mountain Echo)
B6 Takeshi Terauchi & Blue Jeans : Tsugaru Eleki Bushi

Genre : Instrumental Surf, Eleki & Tsugaru Rock
1° morceau de L'inventaire 27 : Hoshi Eno Tabishi (Journey To The Stars) 

Les habitués des Cercles Parfaits se souviennent peut-être de Micky Anderson , mystérieux guitariste probablement japonais qui enflammait l'Inventaire numéro 6
Plus reconnu (Jello Biafra  serait de ses fans...) mais pas pour autant célèbre par ici, Takeshi Terauchi est un phénomène au Japon. Aujourd'hui septuagénaire, il cumule les casquettes d'homme d'affaire, 8e dan de karaté, maître zen et, bien sûr, "guitar hero".
Selon la légende rédigée au verso de la pochette d'après une interview de Takeshi Terauchi lui-même, il aurait présenté dans les années 60 Leo Fender à Yamaha, qui deviendra l'importateur de la marque au Japon, avant d'en copier plus ou moins bien les modèles phares. On y apprend aussi que, inspiré par le génial guitariste et trafiquant sonore Les Paul, Terauchi a fabriqué lui même ses effets et transformé ses instruments pour obtenir des sons plus personnels.
Cette compilation, due au label Big Beat spécialisé dans les rééditions et redécouvertes de perles des 60's et 70's, embrasse sept ans de carrière de l'auto-proclamé "king of electric guitar" à travers ses deux groupes : les Bunnys et les Blue Jeans. Un album essentiellement composé d'instrumentaux qui ne dépareilleraient pas dans une b.o. de Tarantino et qui vont du slow de l'été à de sauvages montées de fuzz, propres à décoiffer n'importe quel beach boy.