mardi 24 janvier 2017

Inventaire 45 - Une sale histoire

BERNARD HERRMANN Siamese Twins

BERNARD HERRMANN
Sisters (ost)

Label : Entr'acte Recording Society
Année : 1975
A1 Main Title
A2 The Dressing Room
A3 The Ferry; The Apartment; Breton
A4 The Scar; The Pills; Duo
A5 The Cake; The Car; The Candles
A6 Phillip's Murder; Window View
A7 Clean-Up; Split-Screen; The Search
A8 Plastic Bag; The Dress; Cake Box
B1 Apartment House; The Windows
B2 The Couch
B3 Siamese Twins
B4 The Solution; The Clinic; Hypnotic Trance
B5 The Dream; The Syringe
B6 Separation Nightmare; Breton's Murder; Dirge
B7 Aftermath; Finale

Genre : Scary Soundtrack
10° morceau de L'Inventaire 45 : Siamese Twins

Brian De Palma aime bien raconter comme ses rapports avec Bernard Herrmann ont très mal commencé, le musicien s'offusquant qu'ils aient osé coller la bande originale de Psycho sur les images de Sisters en attendant ses compositions originales. 
Au début, De Palma n'avait d'ailleurs pas envisagé d'aller réveiller le compositeur peu actif dans le cinéma depuis sa rupture avec Hitchcock. C'est son monteur, Paul Hirsch, qui eut l'idée d'associer le thème de Psycho aux images qu'il avait assemblées. 
N'en déplaise à Herrmann lui-même, on ne le remerciera jamais assez pour cette initiative qui remit ainsi le génie en activité pour produire l'une de ses bandes originales les plus expressives. Outre son utilisation connue des cordes et des instruments à vent pour étirer le temps du suspense ou faire monter soudainement la tension, Herrmann utilise ici habilement les cloches et autres sonorités métalliques, parfois dans l'esprit des comptines, parfois de façon nettement plus sentencieuse. C'est aussi le premier enregistrement où il convoque des claviers synthétiques, essentiellement pour de frénétiques glissandos qui constituent les pics d'agression sonore de cette b.o.. 
Très inquiétante, même sans les images, la bande originale de Sisters est à ranger auprès des chefs-d’œuvre de Bernard Hermmann, au côtés de la trilogie Psycho/North By Northwest/Vertigo pour Hitchcock et de l'étonnant blues urbain qu'il offrira à Scorsese pour son Taxi Driver, ultime partition qu'il ne verra hélas jamais à l'écran. 

MENSWEAR Daydreamer

MENSWEAR
Nuisance

Label : Laurel
Année : 1995
A1 125 West 3rd Street
A2 I'll Manage Somehow
A3 Sleeping In
A4 Little Miss Pinpoint Eyes
A5 Daydreamer
A6 Hollywood Girl
B1 Being Brave
B2 Around You Again
B3 The One
B4 Stardust
B5 Piece Of Me
B6 Stardust (Reprise)

Genre : (So) brit'pop
9° morceau de L'Inventaire 45 : Daydreamer

Déjà évoquée ici, la période qui va de 1989 à 1996-97 fut pour l'Angleterre un temps d'euphorie et d'abondance, entre la vague mancunienne, les "summers of love" successifs sous ecsta, les retours de glam (Suede), de songwriting intelligent et dansant (Pulp) et de vieilles rivalités typiquement anglo-anglaises (Blur/Oasis). Malgré le génie bruyant des Pixies ou de Nirvana, c'est bien sur l'île que se tenait l'essentiel de nos fantasmes musicaux, peuplés de géniales fulgurances pop, de saillies médiatiques pas toujours passionnantes et aussi de dizaines de groupes éphémères qui laissent ce goût d'inaccompli ou de gâchis, typique des amours de vacances.
Menswear est de ce ceux-là : encensés avant même d'avoir enregistré le moindre single, ils avaient le nom et la dégaine d'une revue de mode, semblaient plus préoccupés par la couleur de leur chemise et l'endroit où tomberait leur mèche rebelle que par la production d'un premier album dont on pouvait redouter le pire. 
Pourtant Nuisance, avec sa pochette qui laisse perplexe (un message de rébellion déguisé en pub de la Fnac et puis cette manière d'écrire son nom avec une arobase -Menswe@r- déjà démodée avant d'être publiée...), n'est pas l'album inodore et incolore qu'on redoutait. 
Johnny Dean connaît les limites de sa voix un peu ingrate et, si les garçons qui l'accompagnent ne font guère d'étincelles avec leurs instruments, Menswear a le sens du single et assume une tradition de l'écriture à l'anglaise qui sait placer les bons riffs aux bons endroits. Les deux premiers morceaux de l'album ont l'évidence des singles de Blur, en moins roublard, et le reste de l'album possède cette brillance qui fit cruellement défaut à Cast, Marion, Dodgy et une quinzaine de leurs autres contemporains. 
A ce titre, on retiendra The One, pièce de rock héroïque aux arrangements de cordes intelligemment piochés chez les Beatles, dont on peut se demander pourquoi elle n'est jamais sortie en single. Côté ballade, on délaissera volontiers le romantisme adolescent de Being Brave pour la véritable sensibilité écorchée de Piece of Me qui fait semblant de clore l'album avant la reprise inutile du lourdingue et stonien Stardust.  
Malgré des prestations scéniques très honorables, le groupe restera toujours au stade de la promesse et le deuxième album sortira, à notre insu, uniquement au Japon, signant la fin d'une histoire qui n'a jamais vraiment eu lieu.
 
Quant à Daydreamer choisi pour ce mix numéro 45, certes il ressemble un peu aux premiers titres de Wire (comme toute la discographie d'Elastica), mais son climat de paranoïa rampante reste efficace vingt ans après. Tout les oubliés de la promo de 95 ne peuvent pas en dire autant...

KAS PRODUCT Party

KAS PRODUCT
Black & Noir

Label : Fan Club
Année : 1990
A1 Mind
A2 Black & Noir
A3 Seven
A4 Take Me Tonight
A5 In Need
B1 Malena
B2 Crash
B3 Mezzo
B4 Electric
B5 Party
B6 Doctor Insane

Genre : Modernes
8° morceau de L'Inventaire 45 : Party

L'un des groupes les plus énigmatiques de la new-wave française... Kas Product, synthétique et minimaliste, plus sombre qu'Edith Nylon, mais pas dénué d'humour non plus (on n'est pas chez Marquis de Sade) arrive de Nancy au tout début des années 80. Ils sont deux et ça suffit largement : Spatsz, dans l'ombre, trafique les claviers, les sons électroniques, les boîtes à rythme. Mona Soyoc, dans la lumière, joue de la guitare ou du piano, mais surtout elle est la voix, douce ou violente. Leur musique dégage un parfum étrange, mêlé d'angoisse et de romantisme, dynamisé par une espèce d'urgence directement héritée du punk. Leur discographie se résume à trois albums enregistrés entre 1982 et 1986 et cette "compilation" sortie en 1990, constituée essentiellement de raretés et d'inédits. A l'époque, ils acquièrent assez vite une base de fans fidèles et la bénédiction des critiques, jusqu'en Angleterre où leur nom circule durant l'année 1982 jusque sur la couverture du mensuel Sounds. Ils sont signés chez RCA, puis passent chez Disc'AZ, mais ne deviennent jamais vraiment célèbres. Leurs rares singles passent à peine sur les radios qui se disent pourtant libres, on leur préfère le rock très français de Téléphone et la pop synthétique légère d'Indochine
Et bien sûr, 30 ans après, il n'y a pas plus tendance : le duo s'est reformé à diverses occasions depuis le milieu des années 2000, leurs titres abondent sur les compils nostalgiques des années post-punk, leurs albums ont été réédités, un livre est sorti sur eux en 2009 (Kas Product : so young but so cold, aux éditions du Camion Blanc) et, consécration ultime, cette compil' vient de ressortir chez le vénérable label londonien Soul Jazz Records. 


KOOL & THE GANG Rated X

KOOL AND THE GANG
Good Times

Label : De-Lite Records
Année : 1972
A1 Good Times
A2 Country Junky
A3 Wild Is Love
A4 North, East, South, West
B1 Making Merry Music
B2 I Remember John W. Coltrane
B3 Rated X
B4 Father, Father

Genre : Funky as hell
7° morceau de L'Inventaire 45 : Rated X

En 1972, même s'ils sont déjà populaires, Kool et ses potes ne sont pas encore la machine à tube qu'ils deviendront à la fin de la décennie. Même le Jungle Boogie, que Tarantino mettra sur orbite avec la b.o. de Pulp Fiction, n'est à l'époque qu'un hit mineur comparé aux futurs succès internationaux et monumentaux de Celebration, Get Down On It ou encore (Ooh la, la, la) Let's Go Dancin'. En fait, comme Earth, Wind & Fire, Kool & The Gang profite vers 75-76 de l'avènement du disco et ramasse les fruits bien mérités d'un travail acharné. 
Si l'on ne peut contester l'efficacité de cette deuxième partie de carrière, il n'est pas inutile de se replonger dans les sept ou huit premiers albums du groupe, portés par un jazz-funk suave et maîtrisé. Good Times réussit le mariage parfait de la danse et de l'improvisation avec l'air de ne pas y toucher : ce groupe est indéniablement "kool"... Tout aussi indispensable que leur second album, le tonique Live at the Sex Machine, le bien nommé Good Times vous donnera à coup sûr envie de vous faire pousser l'afro et les pattes d'éph'. 
Et puis comment résister à un album qui comporte un morceau intitulé I Remember John W. Coltrane ? 

KIP TYLER She's My Witch

THE GODFATHERS OF PSYCHOBILLY
(compilation)

Label : Not Now Music
Année : 2012
A1 Ray Ethier : Slave Girl
A2 Paul Revere & The Raiders : Orbit
A3 Dale Hawkins : My Babe
A4 Link Wray & His Ray Men : Jack The Ripper
A5 The Checkers : Stormin'
A6 Ricky Coyne : Short Fat Fannie
A7 Jerry Warren & The Tremblers : Rompin'
A8 Red West : Ain't Nobody Gonna Take My Place
B1 Frankie Gem : Crystal Rock
B2 Johnnie Strickland     : She's Mine
B3 The Carnations  : Casual
B4 Dennis Herrold : Hip Hip Baby
B5 Burt Blanca : Shamash
B6 Jack & Jim : Midnight Monsters Hop
B7 The Strangers : Caterpiller Crawl
B8 Jimmie Patton : Okie's In The Pokie
C1 Link Wray & His Ray Men : Slinky
C2 Connie Dycus : Rock A Bye Baby Rock
C3 Wes Dakus & The Club 93 Rebels : El Ringo
C4 Andy Anderson : Tough Tough Tough
C5 The Rhythm Rockers : Crisis    
C6 The Rock-A-Tones : One More Chance
C7 The Frogmen : Under Water
C8 Edwin Bruce : Sweet Woman
D1 Kip Tyler : She's My Witch
D2 Dick Dale & His Del-Tones : Del-Tone Rock    
D3 The Teen Beats : Califf Boogie
D4 Ronnie Self : Ain't I'm A Dog
D5 The Scorpions : Riders In The Sky
D6 Billy Eldridge : Let's Go
D7 Link Wray & His Ray Men : Radar
D8 Screaming Lord Sutch : Til The Following Night

Genre : Psychobilly (what else ?)
6° morceau de L'Inventaire 45 : She's My Witch

Il y a bien quelques noms familiers (Link Wray l'inventeur de la distorsion, Screaming Lord Sutch disciple de Jay Hawkins, le roi du surf instrumental Dick Dale et le gominé Burt Blanca) mais il faut être un sacré "garage boy" pour identifier l'intégralité des sauvages réunis sur ce double LP. 
Les enregistrements couvrent une courte période qui va de 1957 à 1961. Celle où le rock'n'roll part dans tous les sens, découvre les joies du son sale et violent, explose dans une débauche de sous-entendus sexuels et digère l'imaginaire horrifique du cinéma de drive-in. Les morceaux atteignent rarement les trois minutes et sortent rarement de la sacro-sainte alliance guitare-basse(contrebasse en fait, la plupart du temps)-batterie. J'ai cru entendre hurler un saxophone de temps en temps mais n'était-ce pas la voix nasillarde d'un crooner déglingué qui a sorti deux 45t avant de se reconvertir dans la vente de voitures d'occasion dans un coin perdu de l'Arizona ? 
On ne peut même pas parler de "one hit wonders", la plupart des tires n'ayant pas brillé dans les charts de l'époque. C'est tout à l'honneur du label Not Now, spécialisé dans les rééditions de blues et soul d'avoir débusqué ce matériau précieux sur des face A ou B de 45 tours perdus devenus aujourd'hui la proie de collectionneurs maniaques qui les gardent jalousement au fond d'un coffre. 
Quant à Kip Tyler, qui trône au beau milieu de notre Inventaire 45, il a enregistré une petite poignée de 45 tours mais reste surtout vénéré pour ce She's My Witch qui s'est arraché à 192 dollars en janvier dernier.
Ici, c'est gratuit.

FAMILY ATLANTICA Manicero

FAMILY ATLANTICA
(1er album)

Label : Soundway
Année : 2013
A1 Fly Through The Lightning To Speak With The Sun
A2 Incantation To The Ancestors
A3 Arena
A4 Cumbacutiri
A5 Libation At The Gate Of No Return
B1 Jaia
B2 Manicero
B3 Pranto Do Banzo
B4 Escape To The Palenque
B5 El Apamate
C1 El Negrero (Slave Ship)
C2 Gaita Psycadelica
C3 Myths And Proverbs
C4 Clavelito Colorado
C5 Eboka Ritual
D1 Tamunangue Blues
D2 The Griot's Blessing
D3 Pescador Saharawi
D4 La Familia
D5 Speak To The Spirit Of The Sea 

Genre : Afro-Latin Spiritual Jazz (according to the sticker)
5° morceau de L'Inventaire 45 : Manicero

En matière de réédition, le travail du label Soundway fait déjà partie des chouchous des Inventaires (voir ici, ou encore ). Mais tout en continuant avec la même rigueur et le même enthousiasme ce travail d'archéologie musicale, le DJ et producteur Miles Cleret et son équipe tentent aussi de débusquer les groupes actuels qui correspondent à l'esprit de la maison : métissage musical et un goût prononcé pour la danse. On reviendra probablement sur Fumaça Preta, collectif anglo-portugo-vénézuélien qui essaime les scènes du monde avec son espèce de funk psychédélique et possédé. 
Mais dans le mix 45, c'est Family Atlantica, qui rassemble également des musiciens du Vénézuela et d'Angleterre auxquels viennent ici s'ajouter une légende de l'éthio-jazz, Mulatu Astatke et d'autres pointures des musiques africaines et d'Amérique du Sud. 
Difficile ici de faire le tri entre les musiques traditionnelles, les classiques latinos revisités et les créations, d'autant plus que les morceaux ne sont pas signés. Ils sont en revanche tous arrangés par Jack Yglesias, percussionniste et multi-instrumentiste, l' un des piliers de la Family Atlantica avec Luzmira Zerpa, la voix principale du groupe, aussi impressionnante dans les incantations mystiques que dans les enluminures  ou les envolées vocales qui hantent cet album. 
Alternant des morceaux débridés laissant la part belle à l'improvisation et des plages très courtes chargées de spiritualité, ce double LP n'est jamais prévisible. 
Il existe d'innombrable versions de Manicero, choisi pour ce mix, connu parfois sous le nom américanisé de Peanuts Vendor, mais aucune n'a cette signature rythmique. 
Le groupe, adoubé par le grand manitou du Worldwide Festival, Gilles Peterson, vient de sortir son deuxième album, toujours chez Soundway : Cosmic Unity.


THE BYRDS Eight Miles High

THE BYRDS
Fifth Dimension

Label : Columbia
Année : 1966
A1 5 D (Fifth Dimension)
A2 Wild Mountain Thyme
A3 Mr. Spaceman
A4 I See You
A5 What's Happening?!?!
A6 I Come And Stand At Every Door
B1 Eight Miles High
B2 Hey Joe (Where You Gonna Go)
B3 Captain Soul
B4 John Riley
B5 2-4-2 Fox Trot (The Lear Jet Song)

4° morceau de L'Inventaire 45 : Eight Miles High

Deux chansons sorties en cette même année 1966 peuvent suffire à définir le psychédélisme dans la pop musique : Tomorrow Never Knows, sa sitar et ses bandes inversées, parue sur Revolver des Beatles, et Eight Miles High, qui ouvre la deuxième face du bien nommé Fifth Dimension des Byrds
Un peu hippie sur les bords, country dans l'âme, ambassadeurs idéals de Dylan (de nombreuses reprises, avec leurs cascades d'arpèges brillants et des harmonies vocales célestes, qui subliment l'écriture essentielle du chanteur nasillard), The Byrds sait aussi être un groupe de rock débridé, parfois au bord de l'expérimental, quand l'inspiration et les produits divers leur ouvrent les portes de cette fameuse cinquième dimension. 
Eight Miles High s'ouvre sur un riff de guitare saturé, qui s'étiole à mesure que la chanson avance, pour basculer finalement dans un solo bruitiste et déstructuré, tandis que les vocaux, graves et mélancoliques ravivent le concept d'inquiétante étrangeté. C'est un moment de liberté absolue et décisif dans la pop musique.
C'est aussi, à l'époque, un emballement médiatique pour dénoncer une chanson sous psychotropes, qui freinera sérieusement l'ascension alors irrésistible du groupe. En fait, si l'on en croit le chanteur et guitariste Roger McGuinn, la chanson aurait été inspirée par India de John Coltrane
On a furieusement envie de le croire...

FAB FIVE FREDDY Une salle histoire

RAP PARTY FROM 
NEW-YORK CITY (compilation)

Label : Disc'AZ International
Année : 1983
Fab Five Freddy : Une Sale Histoire (Female Version)
Trouble Funk : Pump Me Up
The Smurfs : Smurf For What It's Worth
Phase II : The Roxy
Futura 2000 With The Clash : The Escapades Of Futura 2000
D.S.T. And The Infinity Rappers : Grand Mixer
Fab Five Freddy : Une Sale Histoire (Male Version) 

Genre : Old School/Good School
3° morceau de L'Inventaire 45 : Une salle histoire (female version)

" Quand ça explose, le hip hop, c'est un truc magique. (...) C'était presque le comble du mauvais goût, avec leurs anoraks, leurs joggings... Ils réinventent tout, le langage urbain (...) il y a des nouveaux mots, "bug", "wack", "yo", etc. Une espèce de fraîcheur sidérante, une créativité hallucinante. (...)  
Fab Five Freddy c'est particulier, un dandy intello, une passerelle avec le monde blanc, il a fait un rap pour Blondie, gros succès commercial.(...) Je suis là, on se dit "Ouais, on va faire une tournée en Europe!". Donc je viens en France, je rencontre Alain Maneval, qui bossait pour Europe 1, il avait aussi une émission de télé. Il me dit "ça peut nous intéresser, allez voir notre maison de disques AZ". Les mecs me donnent 170 000 balles pour faire cinq maxis. J'en parle à Karakos, et on monte une division rap de Celluloïd, via AZ.(...) J'écris alors une chanson pour Freddy, "Change The Beat", en me disant "ça va faire un méga tube en France". On a fait la tournée en 1982, le "New York City Rap Tour". C'est un fiasco, faut dire les choses comme elles sont.(...)
"Change The Beat", j'écris donc les paroles en français à Fab Five Freddy*. C'est ma copine de l'époque, B-Side, qui a pour mission, puisqu'elle parle un peu la langue, d'apprendre phonétiquement la chanson à Freddy, parce que lui est feignant. Donc il arrive, il n'avait rien appris, et on passe la nuit à enregistrer, avec Bill Laswell, on n'arrive pas à comprendre le phrasé de Freddy, alors à la fin de la nuit, l'ingé-son lance "La fille là, elle sonne pas mal", et on se dit qu'on va l'enregistrer avec elle. On l'a mis sur la face B.
En Europe ça devient disque de la semaine.
A l'époque, quand on entend une voix sexy qui dit "Change The Beat", les mecs téléphonent, ça s'affole.
Curieusement, le disque n'a pas marché en France mais "Change The Beat", la version rappée par B-Side commence à passer à New York et ça fait un tabac. On est en 1982 ! On a entre vingt et trente ans...
C'est devenu absolument culte, alors que le disque c'est une erreur, moi je ne suis pas musicien, donc cette chanson on ne savait pas comment la finir, on a juste tenté de mettre un "this is so fresh!!" en passant la voix avec ce nouvel outil, le vocoder. Et c'est cet enregistrement que GrandMixer DST va scratcher sur le mythique Rock It de Herbie Hancock !"
Bernard Zekri in "Culture Jeune - L'épopée du rock" de Benoît Sabatier, collection Pluriel, éditions Hachette

*C'est cette version en français qui s'intitule ici "Une sale histoire".

VIOLENT FEMMES Flamingo Baby

VIOLENT FEMMES
Why Do Birds Sing?

Label : Slash Records
Année : 1991
A1 American Music
A2 Out The Window    
A3 Look Like That    
A4 Do You Really Want To Hurt Me
A5 Hey Nonny Nonny    
A6 Used To Be
B1 Girl Trouble    
B2 He Likes Me    
B3 Life Is A Scream    
B4 Flamingo Baby    
B5 Lack Of Knowledge    
B6 More Money Tonight    
B7 I'm Free

Genre : Twisted Folk Rock
2° morceau de L'Inventaire 45 : Flamingo Baby

En voilà un groupe qui ne doit rien à personne. Les Violent Femmes, formé par des anciens copains de lycée au début des années 80, Brian Ritchie, bassiste et multi-instrumentiste et  Victor De Lorenzo, batteur, recrutent un garçon à la voix étrange, un peu nasillarde mais très habitée, Gordon Gano. Des espèces de punks acoustiques, de folkeux déjantés, un alliage inconnu de sons boisés et de brutalités électriques, sur des paroles tout aussi mystérieuses encombrées de sexualité coupable, de rébellion spontanée, d'imagerie biblique et de confusion politique. 
Les Violent Femmes préfère jouer dans la rue plutôt que de répéter, autoproduisent leur premier album vaguement signé chez Slash Records et acquièrent progressivement un public de fans inconditionnels au milieu de concerts chaotiques. Ce cinquième album aurait pu être celui de la consécration, avec sa reprise aussi sincère qu'incongrue du tube planétaire de Culture Club : Do You Really Want To Hurt Me. Mais non : le groupe garde la mainmise sur ce son rêche et sans reverb, définitivement pas taillé pour MTV. R.E.M. et Nirvana connaîtront le succès, les Violent Femmes resteront dans la galaxie parallèle des influents-vénérés-qui-vendent-peu, pas très loin de Giant Sand. C'est peut-être ça qu'on appelle "laternatif"...
On retrouve un peu de leur ADN dans un trio qui émerge en 1992, 16 Horsepower, (ce même son d'Amérique profonde et traditionnelle, avec un discret parfum punk et white trash), sans savoir que, dans l'indifférence quasi générale, les Violent Femmes continuent de sortir des albums quelque part dans la galaxie. Le dernier date de 2016, il s'appelle We Can Do Anything

MOON BIRDS Safari Rock 2

MOON BIRDS
Cosmos N°1

Label : Disques Ibach 
Année : 1977
A1 Cosmos Nº 1
A2 Fly In The Night
A3 Safari Rock 1
A4 Safari Rock 2
A5 Interlude
A6 Daddy Music
B1 Cristal Nº 3
B2 Baby Moon
B3 It's America 1
B4 It's America 2
B5 Cyprus
B6 Silver Moon

Genre : Touche française
1° morceau de L'Inventaire 45 : Safari Rock 2

On le sait : Air et Daft Punk n'ont rien inventé. A la fin des années 70, tandis que les révolutions punk et disco envahissent les médias, une autre vague, plus discrète mais peut-être pas moins importante, infuse les radios et les chaines hi-fi en douceur. Une débauche de sonorités électroniques sur des rythmes disco, rock, slow, voire reggae, quelque part entre les pionniers de l'électronique et le easy listening. Les groupes s'appellent Space, Space Art, Moon Birds... et sont souvent lancés par des producteurs opportunistes à la poursuite de l'air du temps. En l’occurrence Umberto Petrucci, alias Humbert Ibach, parolier de variété puis directeur de label et manager de Isabelle Morizet (rien à voir avec le chanteur des Smiths...) qui deviendra sous son égide Karen Cheryl
C'est à cette période qu'il sent le vent de la "Cosmic Synth Pop" souffler dans sa nuque et recrute quelques musiciens de session pour le projet Moon Birds. Ça durera deux ans, deux albums aux frontières de l'espace et du ridicule, mais parfois portés par une espèce de poésie naïve, avec des mélodies très simples et des sons éthérés qui donnent envie de marcher en apesanteur.
Aujourd'hui, évidemment, vu que tout ce qui est rétro est beau, ces groupes qui encombrent les dépôts-vente depuis des décennies font l'objet d'un petit culte mais se trouvent quand-même beaucoup plus facilement qu'un original des Beatles. Il suffit de déplacer la pile de disques de Jean-Michel Jarre derrière laquelle ils sont généralement cachés...