lundi 28 avril 2014

Inventaire numéro 24 - Casablanca



THE SAINTS Casablanca

THE SAINTS
Out In The Jungle

Label : New Rose
Année : 1982
A1 Follow The Leader
A2 Rescue
A3 Senile Dementia   
A4 Casablanca
A5 Curtains   
B1 Come On   
B2 A 1000 Faces   
B3 Animal   
B4 Out In The Jungle...
B5 Beginning Of The Tomato Party
B6 Ought A Sight

Genre : Australian Pop
8° morceau de L'inventaire 24 : Casablanca

1975, tandis que la hard-rock fait fureur en Australie, un tout jeune groupe, The Saints réinvente le rock garage des années 60 et accouche un an plus tard d'un premier single, Im' Stranded, qui fait un flop à domicile, mais pourrait bien être au final être le coup d'envoi d'une nouvelle tendance forte à Londres. Adoptés par l'Angleterre en tant que précurseurs du punk, les quatre Australiens s'y installent et s'y taillent rapidement une petite réputation. 
Mais le groupe s'avère finalement peu sensible aux attitudes et à la rusticité du mouvement punk. Leur écriture s'étoffe progressivement et révèle des influences larges qui vont du blues à la soul en passant par une pop-folk acoustique typiquement australienne. Malheureusement, quelques tensions apparaissent vite, notamment entre Ed Kuepper (guitariste) et Chris Baley (chanteur) qui écrivaient les morceaux ensemble... au début. Trois albums plus tard, c'en est fini du groupe d'origine. Trois musiciens rentrent au pays, laissant Chris Bailey à Londres, seul maître à bord pour le meilleur et pour le moins bon.  Malgré quelques aventures en solo et le désaccord de ses anciens comparses, il garde le nom des Saints pour la plupart de ses productions.
Ce cinquième long, sorti en 1982, reste dans la meilleure veine d'un songwriter qui ne s'est pas  vraiment arrêté depuis et a même sorti un double CD en 2012.Outre ses qualités d'écriture, Chris Bailey se distingue par cette voix puissante mais plaintive, qui ressemble à celle d'un homme ivre en train de combattre ses propres démons. La superbe ballade Casablanca, choisie pour finir cet inventaire 24, donne d'ailleurs son titre à la version Australienne de l'album qui, partout ailleurs, est sorti sous le titre Out in the jungle.

TRIANGLE Peut-être demain

TRIANGLE
Peut-être Demain/
Blow Your Cool

Label : Pathé
Année : 1970
Genre : Gangrène Plastique

7° morceau de L'inventaire 24
Peut-être demain


Il y a bien eu un rock, en France, dans les années 70. Un rock chevelu, un peu contestataire, un peu progressif, qu'il est assez facile  de caricaturer, comme le firent Jean-Marie Poiré et Christian Clavier à l'époque où ils étaient drôles.
Le groupe Triangle a probablement inspiré en partie cette parodie, notamment au niveau des paroles gentiment politisées qui fleurent bon l'après soixante-huit, mais ne vont guère plus loin que celles du Big Bazar de Michel Fugain (groupe de la même époque, nettement plus célèbres mais carrément moins intéressants). 
12 singles, 3 albums : la carrière de Triangle, groupe a géométrie variable (des musiciens s'en vont, d'autres arrivent...), s'étale sur sept années seulement et témoigne avant tout d'un son et d'une tendance méconnue de la petite histoire du rock français : avec Ange (plus mous) et Magma (plus jazz) et quelques autres moins connus mais parfois plus intéressants, ils ont en commun le goût de la liberté, de l'improvidsation, d'une musique propre à s'évader des formats calibrés du rock et de la variété. 
Pour en savoir plus, un ouvrage traite du sujet : L'underground musical en France, et la Fabrique de l'histoire y a consacré une émission passionnante le 28 janvier 2014.
Quant à Triangle, on peut les voir interpréter ce morceau, Peut-être demain, dans Les Bidasses en folie avec Les Charlots, bien sûr, mais aussi les inénarrables Martin Circus... C'est ce qu'on appelle une heure de gloire.



NENEH CHERRY The Next Generation

NENEH CHERRY
Raw Like Sushi

Label : Virgin/Circa
Année : 1988
A1 Buffalo Stance    
A2 Manchild    
A3 Kisses In The Wind    
A4 Inna City Mama    
A5 The Next Generation    
B1 Love Ghetto    
B2 Heart    
B3 Phoney Ladies    
B4 Outré Risqué Locomotive    
B5 So Here I Come 

Genre : Pop, Dance & Hip Hop
6° morceau de L'inventaire 24 : The Next Generation

En 1988, le rap a le vent en poupe et la dance music est en train d'exploser. La belle-fille du trompettiste Don Cherry, après une figuration adolescente au sein des Slits et trois albums avec le groupe bizarre Rip Rig + Panic, s'impose en solo avec ce premier album, Raw Like Sushi, qui semble avoir toutes les couleurs de la culture dominante. Outre les tubes, Buffalo Stance, redoutable machine à danser dynamitée par la production de Bomb The Bass et Manchild, morceau mid-tempo plus nuancé, Neneh Cherry et son équipe brouillent les pistes tout au long de ce LP, qui s'avère du coup difficile à étiqueter. 
The Next Generation, choisi pour cet inventaire, est une petite bombe de rap intelligent et dynamique, en rupture totale avec les clichés déjà en place chez la majeure partie de ses collègues masculins. S'il est indéniable que la patte de DJ Mushroom de Massive Attack fait du bien au morceau, il ne faut pas s'y tromper : cet album, ouvert aux collaborations les plus diverses, est bien celui d'une artiste à la forte personnalité, qui sait ce qu'elle veut et où elle va. 
La suite de sa carrière est plus brouillonne, avec un deuxième album qui tombe à côté, un duo un peu gnangnan avec Youssou N'Dour et un troisième album très inégal, sauvé in extremis par le single : Woman.
Après plus de 10 ans de silence, Neneh Cherry est de retour en 2014 avec l'album Blank Project.

PERE UBU Humor Me

PERE UBU
The Modern Dance

Label : Blank Records
Année : 1948
A1 Non-alignment Pact
A2 The Modern Dance
A3 Laughing
A4 Street Waves
A5 Chinese Radiation
B1 Life Stinks
B2 Real World
B3 Over My Head
B4 Sentimental Journey
B5 Humor Me

Genre : Rock Bizarre
5°morceau de L'inventaire 24 : Humor Me

Quand les punks ont des cerveaux, on appelle ça de l'avant-garde. Ainsi, Dave Thomas, aussi éloigné que possible des Ramones, arrive de nulle part dans la deuxième moitié des années 70 avec un groupe et un son qui ne rentreront dans aucune case. Les morceaux de Pere Ubu sont déconstruits, la production gratte comme du papier de verre et, comme le titre de ce premier album et le prolo en ballerines sur la pochette le suggèrent, on danserait bien, mais on ne sait pas trop quoi ni comment... 
Comme tout ce qui est hors-norme, le groupe ne connaît depuis ses débuts qu'un succès restreint, suffisant cependant pour que sa tête pensante maintienne l'aventure contre vents et marrées depuis près de 40 ans. 
"C'était maintenant à nous de prendre le flambeau des mains de nos ainés et de mener le rock à son destin glorieux : devenir une forme d'art. La littérature était morte, le jazz était mort, la sculpture et la peinture étaient mortes après avoir faits leur temps. Une nouvelle forme d'art était née, inouïe et profondément expressionniste. 
Bien que nous ayons confiance en nous, nous étions aussi conscients que personne ne s'en rendrait compte. Nous ne nous faisions aucune illusion dès le début : nous allions changer la face de la musique... mais personne ne le saurait.
Voilà ce que déclarait Dave Thomas au magazine Jade en 1997. Lucide et faussement prétentieux, l'homme avait déjà annoncé la couleur en choisissant d'affubler son groupe du nom d'un personnage à la fois tout-puissant et ridicule. Finalement, c'est peut-être l'humour qui les sauve et une bonne dose de créativité aussi, quand-même...

ORCHESTRE POLY-RYTHMO DE COTONOU Ako Ba Ho

ORCHESTRE POLY-RYTHMO DE COTONOU
"The Vodoun Effect"

Label : Analog Africa
Année : 2008 (compilation 1972-75)
A1 Mi Homlan Dadalé
A2 Assibavi
A3 Sé Wé Non Nan
B1 Ako Ba Ho
B2 Mi Ni Non Kpo
B3 Se Tche We Djo Mon
C1 Dis Moi La Verité
C2 Nouèssénamè
C3 Iya Me Dji Ki Bi Ni
C4 Akoue Tche We Gni Medjome
D1 Nou De Ma Do Vo
D2 Koutoulié
D3 Kourougninda Wendé
D4 Mawa Mon Nou Mio

Genre : Groove Béninois  -  4° morceau de L'inventaire 24 : Ako Ba Ho

Encore un label d'utilité publique : Analog Africa naît en Allemagne en 2006 et se spécialise dans la réédition de musiques d'Afrique noire et d'Amérique du Sud avec un catalogue qui n'a rien à envier aux Anglais de Soundway
Peut-être moins prolifique, la maison aligne quand-même une quarantaine de références avec une prédilection pour les orchestres qui combinent avec bonheur musiques à danser et improvisations. 
Ainsi, cette compilation couvrant quatre années d'enregistrements de L'Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou révèle un groupe haut en couleurs, au répertoire très riche malgré un son immédiatement identifiable. 
Pour bien comprendre l'histoire de ce gang protéiforme et évolutif, il est bon de se reporter aux pléthoriques notes de pochettes incluse dans ce double LP. Elles comptent notamment une interview de Vincent Ahehehinnou qui a rejoint l'Orchestre en 68 et en est devenu un maillon essentiel, notamment sur l'écriture et la composition des chansons. Il y révèle les influences américaines (Otis Redding, Wilson Pickett) mais aussi françaises (Johnny Halliday, François Hardy et... Nana Mouskouri !!!) sur la musique béninoise avec, évidemment, le typhon dévastateur que fut James Brown. Le bassiste/chanteur/compositeur de l'Orchestre explique d'ailleurs en quoi il fut, selon lui, plus influent que Fela. Pour en savoir plus, je vous encourage vivement à vous procurer cet objet qui tient autant de la pièce d'histoire de la musique que de la machine à danser. 
Et en plus il est beau !



P.S. : Si ça vous intéresse, je vous conseille de pas trop tarder quand-même, le label Analog Africa n'a plus donné signe de vie depuis juin 2013...


THE BEAU BRUMMELS Sad Little Girl

THE BEAU BRUMMELS
Sing (compilation)
Label : Post Records
Année : 197?
A1 Laugh Laugh    
A2 You Tell Me Why
A3 In Good Time   
A4 Sad Little Girl
A5 Ain't That Loving You Baby
A6 I Want You
A7 Good Time Music
A8 Still In Love With You Baby
B1 Just A Little
B2 Stick Like Glue
B3 They'll Make You Cry
B4 Just Wait And See
B5 Not Too Long Ago
B6 When It Comes To Your Love
B7 Women
B8 Don't Talk To Strangers

Genre : West Coast 60's Pop  -  3° morceau de L'inventaire 24 : Sad Little Girl

Dans l'inépuisable réservoir de la pop 60's, les Beau Brummels tiennent une place non négligeable quoiqu'un peu négligée. Cinq albums pour six ans d'activité, quelques singles qui n'ont jamais tutoyé les sommets des charts, mais un style singulier, entre folk, pop acoustique et quelques arpèges brillants qui évoquent immanquablement les Byrds. On pourrait alors aisément penser que ces derniers ont été influencés par les Beau Brummels, non seulement parce qu'ils ont démarré un peu après, mais surtout parce que ce sont deux groupes issus de la côte californienne et qu'il y a bien un air de famille, un son caractéristique de cette flopée de groupes qui fleurissent sur la West Coast durant ces années dorées. 
Pour autant, les Beau Brummels ne sont ni les Byrds, ni les Beach Boys, leur musique sonnant d'emblée moins aérienne, plus intimiste, particulièrement marquée par la voix du chanteur Sal Valentino posée, mélancolique et parfois un brin nasillarde. Très loin en fait de l'image maniérée et urbaine associée au premier dandy de l'histoire, George Brummel, dont le groupe a bizarrement adopté le surnom...  
Peu importe aujourd'hui, puisque les chansons écrites par le guitariste Ron Elliott remontent enfin à la surface sans la moindre trace d'érosion. Les originaux atteignent des côtes prohibitives et les rééditions ne se trouvent pas non plus tous les jours. Même le coffret rétrospectif de 4 CD, édité par Rhino, date d'une petite dizaine d'années, et devient petit à petit un objet très convoité. Quant à l'album à la pochette on ne peut plus sobre dont nous avons tiré ce Sad Little Girl pour temporiser le mix numéro 24 , il date vraisemblablement des années 70, époque où le label Post, spécialisé dans les compilations à destination des radios, réédite aussi quelques oubliés de la décennie précédente en bidouillant les masters pour obtenir un effet stéréo plus dans l'air du temps. Les puristes apprécieront...

The Beau Brummels en 1965

George Brummel en 1805

OINGO BOINGO Private Life

OINGO BOINGO
Nothing To Fear

Label : A&M Records
Année : 1982
A1 Grey Matter
A2 Insects
A3 Private Life
A4 Wild Sex (In The Working Class)
A5 Running On A Treadmill
B1 Whole Day Off
B2 Nothing To Fear (But Fear Itself)
B3 Why'd We Come
B4 Islands
B5 Reptiles And Samurai

Genre : Pop 80's
2° morceau de L'inventaire 24 : Private Life

A l'exception d'un maxi très rare, Private Life fut le seul single de ce deuxième album d'Oingo Boingo. Sorti uniquement aux États-Unis et en Angleterre, il reflète bien le gros bordel organisé qui constitue le son du groupe. La formule traditionnelle "guitare/basse/batterie" s'enrichit ici des deux instruments typiques des années 80 : un bon vieux synthé en carton et l'inévitable saxophone qui devient en fait une véritable section de cuivre, un ténor, un alto et, pour équilibrer le tout une trompette ou un trombone, tout deux joués par le même Dale Turner. Il faut dire qu'Oingo Boingo est une véritable troupe, montée dans les années 70 pour combiner musique et théâtre* sous la houlette de Richard Elfman. Celui-ci deviendra finalement réalisateur avec le très underground Forbidden Zone, tandis que son frère, Danny, chanteur et guitariste, prendra les rênes de la partie musicale qui verra quand-même défiler une trentaine de musiciens en une grosse vingtaine d'années. 
Malgré une inspiration au croisement d'XTC et de ces gros fêtards de B52's, le succès d'Oingo Boingo restera très relatif, marqué par plusieurs participations à des bandes originales dont Dangereuse sous tous rapports (dont un extrait figurait dans l'Inventaire 23) et un film dans lequel on les voit jouer : Back to school, sorti en France sous le titre grandiose d'A fond la fac. Le cinéma qui aura finalement raison du groupe, puisque Danny Elfman deviendra l'un des compositeurs de b.o. les plus courus des années 90 (et pas seulement chez Tim Burton) et lâchera l'affaire après l'ultime album sobrement intitulé Boingo, en 94. L'espèce de paranoïa joyeuse de cette bande avait pourtant quelque chose d'attachant, un truc typique des années 80 qui semble difficile à recréer aujourd'hui. 
Et puis un groupe qui intitule un morceau Nothing to fear (but fear itslef) ne peut pas être totalement mauvais...

*Un peu comme le Big Bazar de Michel Fugain à la même époque, mais en plus... américain.


JIMMY SMITH Uh Ruh

JIMMY SMITH
I'm Gon' Git Myself Together

Label : Verve/MGM
Année : 1971
A1 I Know What I Want
A2 (Sittin' On) The Dock Of The Bay
A3 Uh Ruh
A4 I'm Gon' Git Myself Together
B1 Dirty Roosta Booga
B2 Spill The Wine
B3 Need Mo'
B4 Sugar, Sugar

Genre : Groovy Jazz
1° morceau de L'inventaire 24 : Uh Ruh

Pendant longtemps, ces albums de jazz avec de l'orgue paraissaient tout juste bon à passer en musique de fond dans les halls d'hôtel, les ascenseurs et les grands magasins. C'était l'époque où les Galeries Lafayette payaient un D.J. coincé entre les escalators pour annoncer les promos et où le terme de "breakbeat" n'existait pas. Les albums de Jimmy Smith encombraient alors les bacs de disques pas chers et, malgré la reconnaissance des amateurs de jazz* il faudra longtemps avant que le hip hop et l'électro viennent remettre le roi de l'instrumental funky dans le collimateur. 
Sur une période qui va à peu près du milieu des années 60 au milieu des années 70, on peut piocher allègrement dans la trentaine d'albums qu'a sorti Jimmy Smith. De The Cat, arrangé par Lalo Schifrin à partir de thèmes de la b.o. du film de René Clément, Les Félins, au très cool Black Smith de 1975, en passant par ses albums joyeux avec le guitariste Wes Montgomery, la source semble inépuisable. 
Pile poil au milieu de cette période qui fait danser, ce LP bleu, I'm Gon' Git Myself Together, mériterait aujourd'hui d'être diffusé un peu partout. Y compris dans les halls d'hôtel, les ascenseurs et les Galeries Lafayette... s'il en reste.

* "...et fils, tu joues comme Jimmy Smith" Michel Jonasz in La Boîte de Jazz.