mercredi 18 avril 2018

Inventaire 50 - They Keep Silence


HUGO BLANCO El Cigarron

HUGO BLANCO et sa harpe indienne

A : El Cigarron/Orquidea Arabe
B : El Herrero/Cuerdas de plata
Label : Polydor
Année : 1962
Genre : Orquidea
7° morceau de L'Inventaire 50 : El Cigarron

Par nos latitudes on ne sait pas grand chose d'Hugo Blanco. Discogs référence pourtant 53 albums sous son nom. 
La pochette de ce "super 45t" (4 titres : une spécialité française) l'appelle "Monsieur MOLIENDO CAFE", rapport à son tube homonyme, enregistré à 18 ans, qui fit le tour du monde et dont vous connaissez forcément la mélodie.
On lui attribue la création d'un style musical, l'"Orquidea" mélange d'une sorte de fandango typique du Vénézuela, le Joropo, et de musique cubaine. On lui doit paraît-il aussi la création du premier groupe de ska vénézuélien dont il a produit le premier album : Las Cuatro  Monedas A Go-Go. Multi-instrumentiste, ses préférences vont au Cuatro, guitare latino à quatre cordes, et à la harpe indienne comme c'est marqué sur la pochette. En revanche, on ne sait pas qui sont cet étrange percussionniste masqué et cette dame avec la jupe léopard qui joue des maracas...

B.T. EXPRESS If It Don't Turn You On

B.T. EXPRESS
Do It 'til You're Satisified

Label : Scepter (Vogue)
Année : 1974
A1 Express
A2 If It Don't Turn You On (You Oughta' Leave It Alone)
A3 Once You Get It
A4 Everything Good To You (Ain't Always Good For You)
A5 Mental Telepathy
B1 Do It ('Til You're Satisfied)
B2 Do You Like It
B3 That's What I Want For You Baby
B4 This House Is Smokin'

Genre : Groovy Baby
6° morceau de L'Inventaire 50 : If It Don't Turn You On (You Oughta' Leave It Alone) 

Cet album figurait déjà dans L'Inventaire numéro 8. La chronique est ici.

THE RUTS You're Just A...

RUTS
The Crack

Année : 1978
Label : Virgin
A1 Babylon's Burning
A2 Dope For Guns
A3 S. U. S.
A4 Something That I Said
A5 You're Just A...
A6 It Was Cold
B1 Savage Circle
B2 Jah War
B3 Criminal Mind
B4 Back Bitter
B5 Out Of Order
B6 Human Punk 

Genre : Punk 
5° morceau de L'Inventaire 50 : You're Just A...

Arrivés relativement tard dans la vague punk anglaise, The Ruts sortent leurs premiers singles en 1978 et leur unique album studio un an plus tard. Leur chanteur mourra en juillet 1980 d'une overdose d'héroïne, conclusion d'autant plus triste que, dans leur courte discographie, les Ruts ont enregistré trois chansons dénonçant les ravages de la drogue... 
Leur musique est basique est efficace, évoquant parfois les Clash avec qui ils partagent une fascination pour les musiques jamaïcaines (rock steady, ska, reggae) et s'intéressent aux trafics sonores du dub émergeant. Les survivants du groupe monteront d'ailleurs un projet très orientés dub et collaboreront avec le grand bidouilleur Mad Professor
Il ne faut pas s'y tromper cependant, cet unique album est bien un classique du punk, avec ses accords secs et saturés, sa rythmique martiale et une colère bien palpable dans la voix mal dégrossie de Malcolm Owen (parfaitement illustré par You're Just A... choisi pour l'Inventaire 50). De façon plus surprenante, l'utilisation de flanger et certaines rythmiques sautillantes annoncent la new-wave faussement joyeuse de XTC. Mais The Crack reste surtout connu pour deux morceaux : Jah War, morceau de ska qui à sa place entre les grands classiques du label 2-Tone et les Clash de Sandinista, et Babylon's Burning qui figure toujours en bonne place dans les compilations nostalgiques de l'époque où les punks se baladaient en meute et sans chiens. 


THE SPOTNICKS THX 31250

THE SPOTNICKS
Never Trust Robots

Label : Président
Année : 1978
A1 Never Trust Robots    
A2 Amazing Stories    
A3 Close Discussions Of The Hird Kind    
A4 A World Of Spotnicks    
B1 Ultimate Planete    
B2 THX 31250    
B3 Six Strange World    
B4 You're Never Alone

Genre : Space instrumental
4° morceau de L'Inventaire 50 : THX 31250

Au départ, les Spotnicks sont l'équivalent suédois des Shadows ou des Ventures. Le groupe se forme dès 1961 et, si Bo Starander qui assure la guitare rythmique ne dédaigne pas donner de la voix, les Spotnicks se font vite une réputation par leurs instrumentaux où la guitare mène la danse, entre créations originales et reprises de classiques rock, surf, country et pop américaine.  
Mais ils se distinguent par une affection marquée pour la science-fiction, aussi ostensible dans leurs titres (Telstar, l'un de leur tubes, baptisé ainsi d'après un satellite,The Spotnicks Out-A Space, titre de leur album live à Londres...) que dans leurs tenues : sur scène et sur certaines pochettes le groupe porte des costumes de cosmonautes, pas forcément pratiques pour jouer de la musique mais en phase avec l'air du temps et incroyablement efficaces pour asseoir leur popularité. 
Au-delà de cet artifice, le son du groupe est en grande partie dû à son guitariste solo et leader, Bo Winberg, qui sera le seul membre constant des Spotnicks (l'affaire se délite dès le milieu des années 60) et créera ses propres effets pour la guitare, s'intéressant de très près à tous les bidouillages possibles, aussi bien en studio que sur scène. On lui devrait même l'un des premiers micros sans fil pour guitare.
Quand il enregistre ce Never Trust Robots en 1978, il est le seul membre originel des Spotnicks qui n'intéressent plus guère que leur pays d'origine, la Suède, et bien entendu le Japon, toujours prêt à entretenir un culte pour les groupes les plus anachroniques. 
Mais il s'agit en fait d'un disque totalement atypique dans leur discographie, enregistré en France et dont les compositions, toutes signées J. Bleck et R. Foxton (?*), évoquent une vague de musique synthétique et spatiale typiquement française que composent entre autres les groupes Space, Moon Birds ou encore l’agaçant Jean-Michel Jarre. La guitare y est presque incongrue au sein d'ambiances futuristes éthérées et parfois un brin discoïdes. Plein de souffles rasants, de sonorités bullesques, de bips et autres effets de filtres évoquant une discussion entre R2D2 et le jeu-ordinateur Simon, les huit morceaux pourraient tous servir d'illustration à un film d'entreprise de la COGIP. Entre Stratocaster et stratosphère, un album hybride, ringard mais bonnard.  

* Ça sent le pseudo : aucune occurrence de ces deux lascars nulle part ailleurs dans le monde merveilleux de la musique enregistrée  

THE CREATION How Does It Feel

THE CREATION 
Our music is red with purple flashes

Label : Demon Records
Année : 2015 (rec : 1966-68)
A1 Making Time
A2 Try And Stop Me
A3 Painter Man
A4 Biff Bang Pow
A5 If I Stay Too Long    
A6 Nightmares
B1 I Am The Walker
B2 Can I Join Your Band
B3 Cool Jerk
B4 Like A Rolling Stone
B5 Hey Joe
C1 Life Is Just Beginning
C2 Through My Eyes
C3 How Does It Feel To Feel (US Version)
C4 Ostrich Man
C5 Sweet Helen    
D1 How Does It Feel To Feel (UK Version)
D2 Tom Tom
D3 Midway Down
D4 The Girls Are Naked
D5 Bony Moronie
D6 Mercy, Mercy, Mercy
D7 For All That I Am
D8 Uncle Bert

Genre : Garage psychédélique
3° morceau de L'Inventaire 50 : How Does it feel (UK version)

Très peu de gens ont acheté leurs singles à l'époque, tout le monde les cite en exemple aujourd'hui. Dans la grande tradition des seconds couteaux de l'histoire de la pop, au concours du "groupe le plus sous-estimé du monde", The Creation tient une place de choix. 
Faut dire qu'ils avaient tout : l'attitude arty (ils furent probablement les premiers à intégrer des happenings à leurs prestations scéniques, juste avant le Velvet et la clique à Warhol), le look (classe mais décontracté, psychédélique sans faire baba-cool) et surtout le son, un mélange idéal de brutalité garage et d'ornements déviants qui leur vaudra aussi bien l'amour des punk que des plus expérimentaux des popeux. 
Pourtant, The Creation c'est à peine 10 singles pas franchement couronnés de succès, dont le premier, Painterman, sera le mieux classé : dixième place des charts en Allemagne et trente-sixième en Angleterre. Et, côté LP, à peine un album rapidement emballé pour l'Allemagne qui ne caracolera pas en tête des ventes. Aujourd'hui, bien entendu, tout ça s'arrache à prix d'or, et ce n'est pas une formule : l'édition française de leur 45t Tom Tom s'est vendue 1232 euros en 2012 ! Heureusement, des compilations abordables fleurissent régulièrement depuis les années 70.
On ne compte plus aujourd'hui les groupes et les artistes qui se réclament d'eux. Jimmy Page leur a piqué le coup de l'archet de violon détourné pour la guitare, Johnny Marr période The Smiths a piqué son look au guitariste Eddie Philips et Alan McGee leur a carrément piqué leur nom pour son label. Le journaliste rock Nicolas Ungemuth pense que c'est le meilleur groupe du monde (voir sa dithyrambe dans Garageland aux éditions Hoëbeke) et il n'est pas le seul... Mais tout ça est peut-être un poil exagéré !
Si leur statut de "groupe culte" n'est, pour une fois, pas usurpé, la courte discographie de The Creation ne transpire pas le génie en permanence. Leurs reprises, plutôt bien troussées, sont en concurrence avec celles d'une tripotée d'autres groupes de la même époque qui sublimaient l'exercice et leurs compositions originales sont assez inégales. 
Reste un groupe inventif et fulgurant qu'on aurait adoré écouter et surtout voir à l'époque et une poignée de titres irrésistibles, comme ce démentiel How Does It Feel dont nous ne nous lasserons pas.



KURTIS BLOW Rappin' Blow (Part 2)

KURTIS BLOW
(1st LP)

Label : Mercury
Année : 1980
A1 Rappin' Blow (Part 2)
A2 The Breaks
A3 Way Out West
B1 Throughout Your Years
B2 Hard Times
B3 All I Want In This World (Is To Find That Girl]
B4 Takin' Care Of Business

Genre : Old School/Good School
2° morceau de L'Inventaire 50 : Rappin' Blow (Part 2)

Il y avait Sugarhill Gang, Grandmaster Flash and The Furious Five... et on oublie toujours Kurtis Blow
Il est pourtant l'un des authentiques pionniers du rap, totalement immergé dans la culture hip-hop qui émerge durant les années 70, alors qu'il n'est encore qu'un adolescent. Il côtoie alors Melle Mel, Grandmaster Flash et surtout Russell Simmons, futur fondateur de Def Jam records, qui devient son manager et engage son petit frère, Joseph Simmons, encore lycéen, pour assurer aux platines derrière Kurtis. 
Bientôt va entrer en jeu Robert Ford, journaliste du Billboard magazine attiré par le rap qui s'acoquine avec Simmons et se met à composer pour son petit protégé. En 1979, dans la foulée du Sugarhill Gang, et quasiment en même temps que Grandmaster Flash ils sortent le premier maxi de Kurtis, Christmas Rappin', pierre angulaire du rap qui sera suivi par Rappin' Blow, tout aussi efficace et populaire. 
En 1980, arrive logiquement ce premier album sans titre, merveille de hip-hop old school, à peine entaché par deux ballades chantées sirupeuses, d'autant plus inutiles que Kurtis Blow est loin d'être un crooner. Reste son impeccable flow des premières heures et un groove solide, peut-être plus funky que ses deux concurrents directs.

JAMBINAI They Keep Silence

JAMBINAI
A Hermitage (隱棲은서) 

Label : Bella Union
Année :  2016
A1 Wardrobe
A2 Echo Of Creation
A3 For Everything That You Lost
A4 Abyss
B1 Deus Benedicat Tibi
B2 The Mountain
B3 Naburak
B4 They Keep Silence

Genre : Korean post rock
1° morceau de L'Inventaire 50 : They Keep Silence

Un premier EP en 2010, Différance en 2012, A Hermitage en 2016... Jambinai pose tranquillement ses jalons dans l'univers indéfini qu'on appelle, faute de mieux, le post-rock. 
Souvent comparé à Mogwaï en raison de leurs boucles hypnotiques jouées live et de leurs soudaines déflagrations sonores, Jambinai se distingue d'abord par son identité. Le groupe vient de Corée du Sud et intègre parfaitement les instruments traditionnels à leur son électrique. Kim Bo-mi joue du haegum, une espèce de violon qu'on tient à la verticale et dont le son lancinant est l'un des éléments essentiels de la construction sonore de leurs morceaux. Sim Eun-yong joue du geomungo, une sorte de sitar géante aux cordes épaisses qui tient lieu à la fois de basse et d'instrument percussif et qui lance d'ailleurs le morceau choisi pour démarrer ce mix : They Keep Silence. Entre les deux Lee Il-woo joue de la guitare électrique, chante quelques mélopées envoutantes et taquine d'autres petits instruments traditionnels coréens, notamment des flûtes. 
Régulièrement complété par une basse et une batterie, le trio semble avoir brisé quelques frontières entre tradition et modernité dans son pays d'origine et tourne beaucoup en Asie et en Europe. Aussi discrets et modestes en interview que puissants et fascinants sur scène, ils méritent le détour. En juillet ils seront aux Escales, à Saint-Nazaire. En attendant, ils ouvrent notre inventaire numéro 50.