lundi 31 août 2015

Inventaire 36 - Three Wishes


THE DUKES OF STRATOSPHEAR 25 O'Clock

THE DUKES OF STRATOSPHEAR
25 O'Clock

Label : Virgin
Année : 1985
A1 25 O' Clock
A2 Bike Ride To The Moon
A3 My Love Explodes
B1 What In The World ??...
B2 Your Gold Dress
B3 The Mole From The Ministry 


Genre : Psyché pop in wonderland
6° morceau de L'Inventaire 36 : 25 O'Clock


Drôle de pochette, drôle de groupe ! Un hommage direct aux visuels bariolés et absurdes du psychédélisme 60's, un mini LP composé de 6 titres qui dérapent tous vers la folie : les Dukes of Stratosphear débarquent de nulle part au milieu des années 80 avec un son qui tient aussi bien de la nostalgie du Sergent Poivre, que d'une envie d'ignorer la new-wave qui squatte les radios à ce moment-là. Le disque est habile, l'hommage assez inventif pour ne pas sembler trop passéiste : une jolie réussite dans une indifférence quasi générale.
Derrière ce coup fourré, le trio Andy Partridge, Colin Moulding et Dave Gregory, soit le noyau dur du groupe XTC dont l'histoire est déjà plutôt complexe : le groupe a connu un immense succès dès1979 avec le single Making Plans For Nigel, mais a vu son ascension freinée par les attaques de panique du chanteur (Andy Partridge) dont le point culminant surviendra lors d'un concert à Paris, en 1982, qui mettra fin à leurs prestations scéniques. 
Trois ans plus tard, après l'échec de leur dernier album The Big Express, ils recommencent à s'amuser en studio avec ce projet pour lequel ils prennent d'improbables pseudos (Sir John Johns, The Red Curtain et Lord Cornelius Plum) et rappellent leur premier producteur : le mythique John Leckie. Mais ni cette parenthèse hallucinée, ni les albums suivants ne raméneront le groupe dans la lumière.
Évidemment, ce petit premier album de The Dukes Of Stratosphear est devenu aujourd'hui l'objet d'un petit culte, mais depuis 2008, les membres du groupe semblent tous avoir disparu de la stratosphear...

TRICKY Gangster Chronicle

TRICKY
Adrian Thaws

Label : False Idols
Année : 2014
A1 Sun Down
A2 Lonnie Listen
A3 Something In The Way
B1 Keep Me In Your Shake
B2 The Unloved (Skit)    
B3 Nicotine Love
C1 Gangster Chronicle
C2 I Had A Dream
C3 My Palestine Girl
D1 Why Don't You
D2 Silly Games   
D3 Right Here   
D4 Silver Tongue - When You Go

Genre : Dark side of the man
5° morceau de L'Inventaire 36 : Gangster Chronicle

L'un des hommes-clés des années 90, inventeur d'un son feutré et menaçant qu'on qualifia de "trip-hop", tout d'abord au sein du collectif Massive Attack, puis très vite sous son nom : l'homme avait besoin de creuser plus en profondeur...
Comme souvent avec ceux-là qui ont un style très marqué (Bjork, Fellini, Van Gogh...) le problème va être le renouvellement. On reconnaît immédiatement un morceau de Tricky, c'est sa force et sa faiblesse. Et même lorsqu'il perd sa muse et collaboratrice des premiers jours, la chanteuse à la voix aussi sensuelle qu'inquiétante Martina Topley-Bird, et même lorsqu'il multiplie les collaborations avec des gens issus de milieux aussi divers que le hip-hop, la dance music ou la brit'pop, un morceau de Tricky reste un morceau de Tricky : poisseux, dérangeant, souterrain mais puissant.

Aujourd'hui, après vingt ans de carrière et une bonne dizaine d'albums sous son nom, on ne sait plus trop qu'attendre du génie enfumé de Bristol, qui produit sa musique en totale autonomie sous son propre label, absent des playlists des radios, poliment suivi par quelques médias spécialisés et, heureusement par des fans sur plusieurs générations.
Ce LP, sorti fin 2014, porte son véritable nom, Adrian Thaws, sans paraître plus intime que les précédents. On y retrouve des tics d'écriture, une chanteuse fiévreuse et sa propre voix d'outre-tombe... Mais aussi une énergie et une inspiration réjouissantes, un peu de nerf là où on ne l'attendait pas. 
Il parle ici et là de son album "le plus taillé pour les clubs". Une blague certainement : même si le riff de synthé du morceau Nicotine Love rappelle la dance des 90's, on voit mal les Guetta du jour balancer Adrian Thaws sur les dance floors. 
Dommage, l'album embrasse et absorbe une grande variété de styles musicaux sans jamais rien perdre de sa cohérence. Ska, dance électro et hip-hop qui tabasse, comme dans cet hallucinant Gangster Chronicle choisi pour notre mix, dans laquel Tricky sample habilement le premier classique de Massive Attack, Unfinished Sympathy, qu'il n'a pourtant pas signé. 
Encore une manière tordue d'assumer l'héritage, de boucler la boucle sans la refermer totalement.    

PAUL WILLIAMS That's Enough For Me

PAUL WILLIAMS
Just An Old Fashionned Love Song

Label : A&M
Année : 1971
A1 Waking Up Alone    
A2 I Never Had It So Good    
A3 We've Only Just Begun    
A4 That's Enough For Me    
A5 A Perfect Love    
B1 An Old Fashioned Love Song    
B2 Let Me Be The One    
B3 Simple Man    
B4 When I Was All Alone    
B5 My Love And I    
B6 Gone Forever

Genre : Old Fashionned Love Songs
4° morceau de L'Inventaire 36 : That's Enough For Me

Connu en France pour avoir incarné le diable dans le chef-d’œuvre de Brian De Palma, Phantom Of The Paradise, Paul Williams est avant tout un "auteur-compositeur-interprète" américain qui enregistra essentiellement au cours des années 70. On lui doit quelques b.o., celles du De Palma évidemment, mais aussi celle de Bugsy Malone d'Alan Parker dans laquelle on retrouve son timbre de voix doux-amer et son aisance à mélanger le rétro et l'air du temps, parfaitement adaptée aux comédies musicales sur lesquelles il travaille. Que ce soit pour les musiques de films ou ses albums de chansons, Paul Williams est avant tout un "faiseur", un artisan discret, dans l'ombre de contemporains plus ambitieux du type Randy Newman ou Elton John. On lui doit aussi les paroles du générique kitch et ringard de la série kitch et ringarde Loveboat/La Croisière s'amuse
Entre De Palma et Gopher, l’œuvre de Paul Williams n'est pas exempte de mauvais goût ni de guimauve à peine digeste. Il n'empêche qu'on trouve dans sa discographie quelques chansons exemplaires, inspirées, ciselées, orchestrées avec juste ce qu'il faut de finesse et de pertinence pour arracher à l'auditeur un soupir de plaisir. That's Enough For me en est une, sortie de ce deuxième album très inégal mais attachant : Just An Old Fashionned Love Song.
On pardonne beaucoup à un type qui a une voix pareille...  

DONALD BYRD Street Lady

DONALD BYRD
Street Lady

Label : Blue Note
Année : 1973
A1 Lansana's Priestess
A2 Miss Kane
A3 Sister Love
B1 Street Lady
B2 Witch Hunt
B3 Woman Of The World


Genre : Groovy jazz 
3° morceau de L'Inventaire 36 : Street Lady

Dans la pléthorique discographie de Donald Byrd, une pochette mythique (voir ci-dessous) incarne à elle seule l'élégance de Blue Note et un âge d'or du jazz. Moins célèbre que d'autres trompettistes de sa génération (Miles Davis est né en 1926, Chet Baker en 1929, Donald Byrd en 1932), il est pourtant l'une des pointures du hard-bop, collaborateur de Coltrane qui l'influence alors musicalement et spirituellement, et découvreur entre autres d'Herbie Hancock
Sans l'afficher aussi ostensiblement que Miles Davis, il prend dans les années 70 la mesure de l'impact du funk, qu'il insuffle directement dans sa musique, devenant l'une des têtes de file de ce qu'on appelle, faute de mieux, le jazz-fusion. 
C'est que Donald Byrd maîtrise parfaitement son affaire : en plus d'être un instrumentiste de premier plan, il a étudié la composition en Europe (notamment avec Nadia Boulanger) qu'il enseignera à son tour dans les universités américaines. Byrd est aussi un homme d'affaire avisé, qui a étudié le droit et l'applique directement à son domaine de prédilection. 
Si depuis les années 70 sa discographie n'a pas échappé à quelques fautes de goûts, notamment au niveau de la production, Donal Byrd, décédé en 2013, fait non seulement aujourd'hui partie des maîtres du jazz, mais aussi des artistes les plus samplés par les recycleurs du hip-hop et de l'électro.  Quand on entend le groove infernal de ce Street Lady qui donne son titre à l'album, on comprend tout de suite pourquoi.

L'album A New Perspective, dont la pochette est souvent plus connue que le contenu
 

APHRODITE'S CHILD You Always Stand In My Way

APHRODITE'S CHILD
End Of The World

Label : Mercury
Année : 1968
A1 End Of The World
A2 Don't Try To Catch A River
A3 Mister Thomas
A4 Rain And Tears
A5 The Grass Is No Green
B1 Valley Of Sadness
B2 You Always Stand In My Way
B3 The Shepherd And The Moon
B4 Day Of The Fool

Genre : Grec Psychédélique
2° morceau de L'Inventaire 36 : You Always Stand In My Way

L'affaire est entendue pour la plupart d'entre nous : Aphrodite's Child est le groupe de Demis Roussos, essentiellement connu pour son slow baveux : Rain And Tears
Depuis quelques années cependant, les pêcheurs de samples et amateurs de rock progressif s'arrachent 666, leur troisième et dernier album sur lequel Evangelos (qui deviendra vite "Vangelis") Papathanassiou, clavier et compositeur du groupe, laisse libre cours à son inspiration démentielle, passant allègrement de la ballade acoustique vaguement psychédélique aux expérimentations les plus osées (y compris un morceau terrifiant dans lequel Irène Papas entre en transe et atteint l'orgasme).
Il y a dans leur courte discographie à boire et à manger, des chansons parfois indigestes, souvent datées (oui, la musique a aussi une date de péremption) et puis quelques fulgurances...
End Of The World est leur premier album, celui qui contient LE tube guimauve (habilement rajouté sur la pochette de cette réédition, en-dessous du titre de l'album). Toutes les compos sont signées Vangelis et les paroles... Boris Bergman, futur parolier du Bashung d'avant la sanctification (1979-1989). D'autant plus surprenant que ces textes sont écrits dans un anglais à visée poétique, dont l'auteur s'acharne à donner une lecture revisitée, en français cette fois, au dos de la pochette. Un texte qui sent le patchoulis et le chanvre et qui se termine par cette phrase immortelle : "Dans une autre salle de ce palais, Demis (le chanteur) aidé de Lucas (le batteur) mêlant le rythme au mouvement qu'il donnait aux mots, a pu un moment nous faire croire que la langue de Shakespeare était devenue celle d'Homère..."
Il n'empêche : ce You Always Stand In My Way, en deuxième position du mix 36, est une tuerie, avec son piano et sa ligne de basse funky, et ce bon vieux Demis (le chanteur), qui s'époumone à tenter de faire dégager l'olibrius qui "lui barre la route".

TELEVISION PERSONALITIES Three Wishes

TELEVISION PERSONALITIES
They could Have Been Bigger Than The Beatles

Label : 1972 (Orig : Whaam! Records)
Année : 1982
A1 Three Wishes    
A2 David Hockney's Diary    
A3 In A Perfumjed Garden    
A4 Flowers For Abigail    
A5 King And Country    
A6 The Boy In The Paisley Shirt    
A7 Games For Boys    
B1 Painter Man    
B2 Psychedelic Holiday    
B3 14th Floor    
B4 Sooty's Disco Party    
B5 Makin' Time    
B6 When Emily Cries    
B7 The Glittering Prizes    
B8 Anxiety Block    
B9 Mysterious Ways

Genre : Post punk psyché
1° morceau de L'Inventaire 36 : Three Wishes

Sur les magistrales compilations que Soul Jazz Records a consacrées récemment au punk figure le morceau Part Time Punk qui résume toute l'ironie des Television Personalities : formés en 1978 sous l'impulsion du "do it yourself" préconisé par la vague punk, les Television Personalities ne sont pas dupes. Le mouvement est récupéré, pour ne pas dire vicié d'entrée (La Grande Escroquerie du Rock'n'roll), déja quasiment mort en 78 (no future !) et, surtout, il manque pour une grande part d'humour et d'auto-dérision. 
Un reproche qu'on ne peut pas faire à Dan Treacy et son copain d'école Ed Ball qui président à la naissance de cette espèce de groupe insaisissable. A la fois naïfs et malins, d'une grande faiblesse technique mais inspirés, ils écrivent des chansons courtes, apparemment simples, mais tellement atypiques pour l'époque, et jusqu'à aujourd'hui, qu'on les dirait sorties de nulle part.
 "Avec leurs copains des Television Personalities, les Swell Maps engendrèrent une branche du post-punk qui fétichisait l'ingénuité. Voix fluettes, rythmiques chancelantes, lignes de basses bourdonnantes et rudimentaires, guitares négligemment dissonantes : les groupes DIY se délectaient du potentiel bruitiste de la guitare sans pour autant "faire du rock"..." On ne saurait mieux résumer la musique des Television Personalities que le fit Simon Reynolds dans le bouquin qu'il consacra au "Post-punk" : Rip It Up and Start Again (éditions Allia)
Ce faux troisième album, recueil des premiers singles, de démos et d'inédits sorti en 1982 est une bouffée d'air frais. On y découvre une pop totalement libre et légère, dont les voix défaillantes et le côté bricolage peuvent apparaître au départ comme un handicap, mais finissent par charmer l'auditeur. Quant au Three Wishes, choisi pour ouvrir notre 36e Inventaire, dans un monde idéal, ce serait un tube...

Depuis longtemps introuvable, l'album est ressorti sur l'étrange label 1972, dont le catalogue, dédié aux rééditions, propose quelques perles de Stereolab, Aphex Twin, Jesus & Mary Chain ou encore le chef d’œuvre d'Echo & The Bunnymen : Ocean Rain
Reste à savoir pourquoi ils n'ont pas gardé le visuel d'origine de la pochette, qui se résumait à son titre, modèle d'auto-dérision pour un groupe qui se savait condamné à un public confidentiel, et semblait s'en battre l’œil...