dimanche 16 février 2020

Inventaire 53 - Le Pollen

THE CURE The Drowning Man

THE CURE
Faith

Label : Polydor
Année : 1981
A1 The Holy Hour
A2 Primary
A3 Other Voices
A4 All Cats Are Grey
B1 The Funeral Party
B2 Doubt
B3 The Drowning Man
B4 Faith
Genre : Dark pop
7ème morceau de L'Inventaire 53 : The Drowning Man

Les fans de Cure sont généralement d'une intégrité et d'une fidélité sans faille. Toutefois une vieille bataille refait parfois surface entre ceux qui considèrent les chansons les plus sombres comme la véritable essence de leur œuvre et ceux qui embrassent joyeusement toutes les facettes de l'inaltérable Robert Smith, capable de composer aussi bien les plus lugubres descentes aux enfers que les envolées les plus sucrées.
En fait, si l'on s'extrait un peu du fanatisme, la question se pose de façon beaucoup plus simple : l'attirance vers la face lumineuse ou le côté obscur dépendra avant tout de sa propre humeur. Ainsi, si le diptyque constitué de Faith et Pornography ferait passer Nick Cave pour La Compagnie Créole, il serait dommage de se laisser rebuter par l'atmosphère lugubre amplifiée par des rythmes martiaux et des abus de reverb de ces deux albums successifs (surtout Pornography qui semble indiquer la direction aux primo-arrivants du label 4AD : Cocteau Twins, This Mortal Coil, Dead Can Dance...) Certes, il faut être solide pour replonger dans les méandres de ces deux œuvres, voire maso pour se les enfiler à la suite, mais la redécouverte des chansons qui les composent confirme qu'on a affaire à un songwriter qui préfère faire confiance à son inspiration plutôt que de se reposer sur les succès passés. Les chansons de Robert Smith ont de la gueule, elles lui ressemblent, quelle que soit l'humeur dans laquelle il est allé les puiser et tiennent debout toutes seules, aussi marquée soit leur production.
Inspiré par l'étrange trilogie littéraire de Mervyn Peake, The Drowning Man, avec son titre explicite, ressemble à une spirale qui vous entraine irrémédiablement vers le fond.
Et alors ?
Ça n'est qu'une chanson, 4 minutes 50 secondes pour vivre une expérience, entrer dans la psyché légèrement torturée de ce drôle d'être humain et en ressortir certes un peu fébrile, mais touché au cœur... et durablement marqué.

MILLIE JACKSON All I Want Is A Fighting Chance

MILLIE JACKSON
Caught Up

Label : Southbound (Re-)
Année : 1974
A1 (If Loving You Is Wrong )I Don't Want To Be Right
A2 The Rap
A3 (If Loving You Is Wrong) I Don't Want To Be Right (Reprise)
A4 All I Want Is A Fighting Chance
A5 I'm Tired Of Hiding
B1 It's All Over But The Shouting
B2 It's Easy Going
B3 I'm Through Trying To Prove My Love To You
B4 Summer (The First Time)

Genre : Dirty Funk
6ème morceau de L'Inventaire 53 : All I Want Is A Fighting Chance

Selon la légende, Millie Jackson serait montée sur scène la première fois dans un club, après avoir interpellé une chanteuse pour lui démontrer qu'elle pouvait faire mieux qu'elle. Info ou intox, l'anecdote correspond parfaitement au tempérament provocateur et sulfureux de l'artiste qui annonce la couleur rouge vif dès son second album intitulé It Hurts So Good. Sa voix puissante, sensuelle et énervée la rapproche d'une Tina Turner, le mari encombrant en moins. Millie Jackson s'accoquine vite avec le producteur Brad Shapiro avec qui elle bâtit cet univers de disco-funk très électrifié qui lui assurera une décennie de succès jusqu'aux fatales années 80. Entre-temps, la chanteuse aura dynamité la b.o. du film de Blaxploitation Cleopatra Jones, développé une manière toute personnelle de parler sur le groove qui annonce l'arrivée du rap et certainement influencé celle qui amènera le "dirty funk" à son apogée : Betty Davis.
Sur Caught Up, Millie Jackson est déchaînée. L'album s'ouvre sur 11 minutes de soul déchirée, une reprise du tube de Luther Ingram : (If Loving You Is Wrong) I Don't Want To Be Righ. Avec des arrangements dignes d'Isaac Hayes et une incroyable versatilité vocale qui passe des larmes à la colère, avec un long intermède parlé, le morceau est une épopée sensuelle qui justifie à elle seule l'acquisition de l'album. Mais il serait dommage de s'arrêter là. Millie règle ses comptes ensuite dans l'explosif If I Want Is A Fighting Chance (in the mix) et déroule ses errances amoureuses jusqu'au faussement optimiste Summer (The First Time), qui décrit sa première fois à 17 ans avec un type de... 31 ans.
Réputée pour avoir été samplée plus de 180 fois, Millie Jackson a continué à enregistrer des albums et à se produire sur scène régulièrement jusqu'en 2001 malgré quelques traversées du désert. Un documentaire lui a été consacré en 2012. Elle aura 76 ans en juillet.

HUGO BLANCO Domingo Por La Mañana

HUGO BLANCO
Tropicana

Label : Polydor
Année : 1964
A1 La Chicharra
A2 Dos Esclavos
A3 Suky
A4 Surf Del Amor
A5 Caroni
A6 Playa Colorada
A7 Jamaica Farewell
B1 Domingo Por La Mañana
B2 La Carreta
B3 Beatriz
B4 Bossa Nova En Caracas
B5 Cancion De Puerto Rico
B6 San Juan   
B7 Tibisay

Genre : Orquidea
5ème morceau de L'Inventaire 53 :  Domingo Por La Mañana

Hasard des découvertes en puces et vide-greniers, Hugo Blanco se retrouve une deuxième fois dans nos inventaires à deux ans d'intervalle. Il faut dire que dans la série des disques que personne ne ramasse, il fait figure de petit péché-mignon. Pas tellement pour ses pochettes qui mêlent exotisme et top models dans le plus pur esprit des sixties, mais bien pour ce son si caractéristique sur lequel on s'est déjà étendu ici
On ne va pas vous refaire l'article, juste préciser que sur la durée d'un album, si la harpe indienne peut s'avérer un brin lassante, on appréciera ici le mix qui fait la part belle aux percussions et à quelques effets électroniques distillés avec bon goût et parcimonie. Le titre de l'album, Tropicana, sonne comme une boisson rafraîchissante et, pour une fois, ce n'est pas de la publicité mensongère.

THE MISTRESS & D.J. MADAME E Next To You

THE MISTRESS & D.J. MADAME E
Leather & Lace
Label : Techno Kut Records
Année : 1989
A1 Mic Jack
A2 Let It Go
A3 Get Pumped
A4 Hypergroove
A5 Next To You
B1 Show 'Em How We Play
B2 I Got Your Wild Thang
B3 Rap At Your Own Risk
B4 Mistress Of The Boom

Genre : Old school/Good School
4ème morceau de L'Inventaire 53 : Nex To You

1989 est une année grandiose pour le hip-hop : Loc-ed After Dark de Tone-Loc, Schooly D. avec Am I Black Enough For You, le Paul's Boutique des Beastie Boys et 3 Feet High and Rising de De La Soul... Des albums puissants et novateurs devenus aujourd'hui des classiques. A côté, l'unique production de ce tandem féminin sorti la même année semble totalement décalée, terriblement "old school". Avec le recul, c'est peut-être ce qui fait sa qualité.
Le beat est simple, la production épurée et le flow primaire, pas très éloigné des débits fondateurs qu'on entend chez Sugarhill Gang et Grandmaster Flash. L'album remplit son quota de samples de James Brown, mais aussi d'idées plus originales comme cette boucle synthétique piochée chez Art Of Noise qui vient télescoper un morceau tiré de la b.o. de Car Wash sur Nex To You (choisi pour le mix). 
Kyna Antee, alias The Mistress, MC du duo, sait se faire plus incisive à l'occasion, notamment sur Show 'Em How We Play dont le flow rappelle celui d'une autre gagnante de l'année 1989 : Neneh Cherry avec Raw Like Sushi. Si la variation sur le Wild Thing de Tone-Loc est dispensable, l'album s'avère au final tenir très bien la distance grâce à son groove efficace et une fraîcheur qui tranche sévèrement avec le rap surproduit qui va suivre. Sorti quelques années plus tôt, Leather & Lace aurait fait des étincelles. Tombé dans l'oubli aujourd'hui, il reste une bonne surprise...

ALVVAYS Dreams Tonite

ALVVAYS
Antisocialites

Label : Polyvinyl Record Company
Année : 2017
A1 In Undertow    
A2 Dreams Tonite    
A3 Plimsoll Punks    
A4 Your Type    
A5 Not My Baby    
B1 Hey    
B2 Lollipop (Ode To Jim)    
B3 Already Gone    
B4 Saved By A Waif    
B5 Forget About Life

Genre : Pop miracle
3ème morceau de L'Inventaire 53 : Dreams Tonite

"An indie-pop wonder", c'est ainsi que le magazine Rolling Stone avait qualifié le premier album éponyme d'Alvvays lors de sa sortie en 2013. Il y a bien quelque chose de merveilleux dans la manière dont ce groupe, venu du Canada, retrouve la fraîcheur et la simplicité de la pop tout en posant d'entrée un univers personnel, une sorte de mélancolie céleste, reconnaissable instantanément. Quelque part à la croisée des chemins entre les sucreries des Primitives et la dream pop des Cocteau Twins, Alvvays ne semble pour autant copier personne et entraîne déjà une bonne tribu de fans inconditionnels, pour ne pas dire amoureux.
Ce deuxième album, sorti en 2017, commence par deux titres irrésistibles, In Undertow et Dreams Tonite, s'agite un peu plus avec Plimsoll Punks et opère ensuite une lente séduction jusqu'au surprenant morceau final, Forget About Life qui commence dans les airs et finit sur une petite boucle qui ramène sur la piste. 
Mais en fait Antisocialites a la vertu des disques qui comptent : à chaque réécoute on s'attache à un morceau différent (comment n'ai-je pas immédiatement repéré Not My Baby ?) et on réalise très vite qu'on la remis sur la platine toute la semaine, et qu'on a déjà envie d'y revenir. Quatre années avaient séparés les deux premiers albums. On prend son mal en patience...

GENE SIMMONS Skinny Minnie

JUMPIN' GENE SIMMONS
Goin' Back To Mephis

Label : Hi Records
Année : 1987 (compilation)
A1 Goin' Back To Memphis   
A2 The Shape You Left Me In   
A3 Haunted House   
A4 Hey, Hey Little Girl   
A5 I'm Coming Down With Love   
A6 You Can Have Her   
A7 Hotel Happiness   
A8 I'm A Rambling Man   
B1 Skinny Minnie   
B2 Mattie Rea   
B3 Folsom Prison Blues   
B4 Down In The Alley   
B5 Come On Over, Put Some Love On Me   
B6 Bossy Boss   
B7 Go On Shoes   
B8 Keep That Meat In The Pan

Genre : Rockab'
2ème morceau de L'Inventaire 53 : Skinny Minnie

Il est né à Tupelo, un an et demi avant un autre petit gars de la même ville qui allait faire du grabuge : Elvis Presley. C'est d'ailleurs Elvis qui l'envoie chez Sam Phillips se faire enregistrer pour Sun Records où on lui apprendra à mettre un peu de rock dans sa country. Gene Simmons est blanc, ne fait bien entendu pas partie des têtes d'affiche (Chuck Berry, Eddie Cochran, Jerry Lee Lewis, Little Richards, Gene Vincent...) ni même des seconds couteaux qu'il est chic d'adorer (Carl Perkins,Hasil Adkins), il n'est même pas dans les Héros oubliés du rock'n'roll de Nick Tosches*. Il n'a pas le charisme d'un Johnny Cash, ni même l'opportunisme d'un Bill Halley. En plus il est l'homonyme du type qui tire la langue dans le groupe Kiss !
Mais il a quoi alors ?
Le son, l'énergie de l'époque et un certain goût dans le choix de ses morceaux. Il s'approche du top ten avec une reprise d'un morceau de Johnny Fuller, Haunted House, qui restera l'unique tube de sa carrière de chanteur. C'est l'un des incontournables de cette compil' avec sa version très honorable du Folsom Prison Blues cher à Johnny Cash et bien sûr sa version de Skinny Minnie qui figure dans notre mix et qui est bien mieux que celle de Bill Haley. Si Gene Simmons n'a pas l'ambivalence de Presley, dont la voix pouvait passer pour celle d'un chanteur noir, il a bien la déclamation puissante des "shouters" et juste ce qu'il faut de blues pour électrifier ses enregistrements. En fait, si on doit le rapprocher de quelqu'un ce serait peut-être de la chanteuse Brenda Lee pour la gouaille. Bref, si on ne nage pas dans l'originalité, difficile de résister à ce parfum de fin des 50's où les chansons étaient simples et frontales et leurs interprètes donnaient tout à la première prise.

* 350 pages de bonheur en poche chez 10/18

 

MANUEL DE SICA Pop Atelier

MANUEL DE SICA
Sette Scialli Di Seta Gialla  

Label : Dagored
Année : 2018 (enr. 1972)
A1 Yellow Silk    
A2 Black Silk    
A3 Sylva Bossa    
A4 Poisoned Claws    
A5 Ragtime Atelier    
A6 Homicidal Fury    
A7 Yellow Silk    
B1 Bossa Atelier    
B2 Another Aggression    
B3 Circus Waltz    
B4 The Next Victim    
B5 Pop Atelier    
B6 A Shadow In The Dark    
B7 Sylva Bossa    
B8 The Murderer's Face    
B9 Yellow Silk

Genre : Thrill and groove
1er morceau de L'Inventaire 53 : Pop Atelier

On vit une époque formidable ! Voici la bande originale d'un obscur giallo (thriller fétichiste et maniériste des années 60-70, typiquement italien) réalisé par le non moins obscur Sergio Pastore (douze long métrages, pas un n'est parvenu à traverser les Alpes) dont les musiques sont rassemblées pour la première fois en album près de 50 ans plus tard. Sur les seize titres qui la composent, deux seulement s'étaient faufilés jusqu'à des compilations parues en CD et déjà pas évidentes à se procurer. 
Autant le dire tout de suite, si le film n'est pas réputé pour être un chef-d’œuvre du genre, ce disque est en revanche un concentré de ce qui se faisait de mieux à cette époque. Les compositions sont signées Manuel De Sica, fils du grand réalisateur Vittorio De Sica, qui partagea ses créations entre la musique classique et des dizaines de bandes originales essentiellement pour le cinéma italien, des années 70 jusqu'à sa mort en 2014. Il composa pour son père (Le Jardin des Finzi-Contini, Le Voyage) pour un hommage à son père (Le Voleur de savonnettes) mais aussi pour le très poétique délire nécrophile de Michele Soavi Dellamorte Dellamore. On lui doit aussi quelques albums d'illustration sonore que les collectionneurs s'arrachent aujourd'hui. 
Il faut dire que le type est doué, maîtrisant une grande diversité de styles : bossa, easy listnening, jazz-funk... On pense évidemment aux premières b.o. des films d'Argento signées Morriconne puis Goblin. Certains morceaux évoquent parfois le Lalo Schifrin de Dirty Harry sorti un an avant. On n'a aucune info sur les musiciens ni sur la production de l'album. C'est dommage : le mixage et le son sont excellents, on aurait bien aimé savoir quelles bêtes de studio se cachent derrière... 
C'est le seul reproche qu'on fera au petit label Dagored qui réédite ou compile à tour de bras ces musiques de films introuvables en apportant un soin tout particulier à l'objet. La pochette est magnifique et le disque est jaune.

lundi 19 août 2019

TwinSelecter radio - épisode 1 : Brainstorm

POISON GIRLS Other

POISON GIRLS
Chappaquiddick Bridge

Label : Water Wing Records (Og : Crass Records)
Année : 1980
A1 Another Hero    
A2 Hole In The Wall (Thisbe's Song)    
A3 Underbitch    
A4 Alienation    
B1 Pretty Polly    
B2 Good Time (I Didn't Know Sartre Played Piano)    
B3 Other    
B4 Daughters And Sons    
C Statement

Genre : Antiglamourous Punk
TS Radio 1 Brainstorm - Morceau 4 : Other

Poison Girls a déjà infiltré les Inventaires des Cercles Parfaits en 2012. Je venais de les découvrir, tout émoustillé d'avoir dégotté un groupe confidentiel de l'ère punk qui n'avait jamais fait l'unanimité mais me semblait avoir un son singulier, une démarche authentique, le tout emmené par une chanteuse mère de famille et quarantenaire, Vi Subversa, morte le 19 février 2016 dans une bien triste indifférence.
Depuis, m'étant procuré l'essentiel de leur discographie (trois albums studio et quelques EP tout aussi passionnants), je confirme la créativité et la cohérence d'un groupe dont le radicalisme politique n’empêchait pas une véritable ambition musicale, au contraire ! 
En témoigne ce Other lancinant et légèrement inquiétant qui figure sur ce premier album au climat oppressant et urbain. Chappaquiddick Bridge (qu'un petit label de l'Oregon a eu la bonne idée de rééditer dans une très belle édition agrémentée d'un 45t, comme le pressage original) devrait s'aligner dans toute discothèque paranoïaque qui se respecte aux côtés des premiers Suicide et Joy Division
Pour ne pas dénoter dans le mix, le morceau est coupé avant sa dernière partie. On peut l'écouter dans son intégralité ici.

JAMES HORNER Brainstorm Main Title

JAMES HORNER
Brainstorm (bande originale)

Label : Milan
Année : 1983
A1 Main Title    
A2 Lillian's Heart Attack    
A3 Gaining Access To The Tapes    
A4 Michael's Gift To Karen    
B1 First Playback    
B2 Race For Time    
B3 Final Playback/End Titles

Genre : Musique de l'espace
TS Radio 1 Brainstorm, Morceau 3 : Brainstorm Main Title

Mort en 2015 dans un accident d'avion, James Horner est passé à la postérité pour avoir commis la bande originale d'un des plus grands succès cinématographiques de tous les temps : Titanic
Généralement considéré comme un compositeur "classique" du cinéma, respectant les codes traditionnels des musiques de film, il a pourtant fait ses classes au Royal College Of Music avec György Ligeti, celui-là même qui fout les chocottes lorsque l'ascenseur déverse son sang dans Shining. James Horner a probablement appris avec lui la puissance de la dissonance et quelques audaces d'orchestration qu'on retrouve plutôt dans la première partie de sa carrière. 
Il faut dire qu'il débute dans les années 80 dans un genre qui lui laisse pas mal les coudées franches. Battle Beyond The Stars, Star Trek 2 et 3, Aliens, Cocoon... pendant près d'une décennie, il navigue essentiellement dans la SF à l'époque où le genre connaît une nouvelle jeunesse à Hollywood. 
Sa partition pour Brainstorm de Douglas Trumbull s'appuie sur un grand orchestre et une habile utilisation des voix pour créer un va-et-vient entre le merveilleux et l'angoisse. A l'image du vertige qui s'empare des personnages du film lorsqu'ils inventent et expérimentent cet appareil aussi fascinant que terrifiant : un magnétoscope qui peut enregistrer les sensations et les faire partager. 
Un peu ce qu'on essaie de faire sur ce blog...

CHRIS ISAAK Talk To Me

CHRIS ISAAK
Silvertone

Label : Warner Bros. Records
Année : 1985
A1 Dancin'
A2 Talk To Me    
A3 Livin' For Your Lover
A4 Back On Your Side
A5 Voodoo
A6 Funeral In The Rain
B1 The Lonely Ones
B2 Unhappiness
B3 Tears
B4 Gone Ridin'
B5 Pretty Girls Don't Cry
B6 Western Stars 

Genre : Beautiful lament
TS radio 1 Brainstorm, morceau 2 : Talk To Me

Avec son physique de "perfect american male", qui cherche sa place entre Elvis, James Dean, Chet Baker..., sa voix de mâle blessé par les aléas de la passion amoureuse, ses guitares brillantes et nostalgiques, Chris Isaak semble se lire comme un livre ouvert. Depuis ses premiers succès (Dancin' sur ce premier album puis Blue Hotel, en 1987, qui le révèle à toute l'Europe) il incarne ce crooner nostalgique des 50's, coincé dans une faille spatio-temporelle, ni tout à fait d'alors, ni vraiment d'aujourd'hui, aussi pathétique qu'un Silver Surfer en perpétuel exil cosmique. 
Pourtant, on sent bien que quelque chose se trame derrière ce visage et ces chansons trop lisses, comme si cette voix était le véhicule idéal pour passer la frontière qui sépare l'observation du voyeurisme, la souffrance du masochisme, la passion de l'addiction et ainsi de suite. Son Wicked Game accompagne les temps sulfureux de Sailor et Lula tandis que Kubrick choisit Baby Did a Bad Bad Thing en écho aux déviances d'Eyes Wide Shut
A bien y regarder, Talk To Me, deuxième morceau du premier album Silvertone annonçait déjà la couleur avec ses chœurs fantomatiques et l'incantation suppliante de la voix principale. En vérité je vous le dis, ce Chris Isaak n'est pas très sain.  



GEORG DEUTER Pearls

DEUTSCHE ELEKTRONISCHE MUSIK 3
Compilation

Label : Soul Jazz Records
Année : 2017
A1 Klaus Weiss : Wide Open Space Motion
A2 A.R. & Machines : I'll Be Your Singer, You'll Be My Song
A3 Deutsche Wertarbeit : Deutscher Wald
A4 Dzyan : Khali
A5 Missus Beastly : Geisha
B1 Alex : Derulé
B2 Agitation Free : In The Silence Of The Morning Sunrise
B3 Georg Deuter : Pearls
B4 Michael Bundt : The Brain Of Oscar Panizza
C1 Popol Vuh : Ja, Deine Liebe Ist Süsser Als Wei
C2 Novalis : Dronsz
C3 Bröselmaschine : Schmetterling
D1 Neu! : Neuschnee
D2 Between : And The Waters Opened
D3 La Düsseldorf : White Overalls
D4 Klaus Weiss : Constellation
E1 Achim Reichel : Tanz Der Vögel In Den Winden
E2 Roedelius : Lustwandel
E3 Pyrolator : Die Haut Der Frau
E4 Cluster : Hollywood
F1 Streetmark : Passage
F2 Niagara : Rhythm Go
F3 Michael Bundt : Neon

Genre : Free pop from Germany
TS Radio 1 Brainstorm, morceau 1 : Pearls

La discographie de Deuter est fortement dispensable, à moins de pratiquer la médiation où de chercher à intégrer une secte. Séduit lui-même par le gourou indien Bhagwan Shree Rajneesh lors d'un voyage spirituel, l'Allemand Georg Deuter lui dédiera de nombreux disques qui sentent le patchoulis et l'encens, dans lesquels la flûte, la guitare acoustique et quelques douces percussions le disputent aux sons de fontaines, de petits oiseaux et de vent dans les arbres... Le genre de truc qui donne envie de sniffer de la colle en s’enfonçant une épingle à nourrice dans le lobe de l'oreille.
Cependant, comme beaucoup de ses contemporains des années 70, Georg taquine le synthétiseur et fabrique des boucles aux sonorités réjouissantes qui sont parfaites pour ouvrir un mix !
Pour le reste, cet ultime volume des compilations que Soul Jazz consacre aux audacieux musiciens de la pop avant-gardiste allemande des années 70 est peut-être le meilleur des trois. L'absence du groupe Can y est largement compensée par un tas de découvertes hallucinantes, dont les 9 minutes de The Brain Of Oscar Panizza par Michael Bundt, mélange de groove puissant et d'expérimentations diverses qui finiront bien par intégrer un mix un de ces jours. 
Sans entrer plus dans le détail, soulignons que si le titre de ces compilations reste un peu abusif (la sélection est loin de se cantonner à la musique électronique), leur contenu permet d'embrasser la décennie dorée de cette formidable vague allemande sans s'épuiser et se ruiner à dénicher les albums originaux.


mercredi 20 mars 2019

Inventaire 52 - Saure Gurke

ULTRAVOX! Hiroshima mon amour

ULTRAVOX!
-Ha!-Ha!-Ha!

Label :Island Records
Année : 1977
A1 Rockwrok
A2 Frozen Ones
A3 Fear In The Western World
A4 Distant Smile
B1 Man Who Dies Everyday
B2 Artificial Life
B3 While I'm Still Alive
B4 Hiroshima Mon Amour

Genre : Nouvelle vague
7° morceau de L'Inventaire 52 : Hirsohima mon amour

Ultravox est aujourd'hui quasiment oublié. Le groupe fut pourtant l'un des fers de lance de la pop synthétique, notamment avec l'album Vienna, dont le single éponyme fut l'un des premiers marqueurs des années 80 balbutiantes. Le groupe produira quelques autres tubes, sortira 6 albums, et verra son chanteur Midge Ure commettre le caritatif Do They Know It's Christmas ? en compagnie du sinistre Bob Geldof, et, dans la foulée, participera au Band Aid en 1985 avant de séparer trois ans plus tard. 
Mais en fait cette histoire ne nous intéresse pas...
Il y a une première période dans la vie d'Ultravox, durant laquelle leur premier chanteur s'appelait John Foxx et leur nom portait un point d'exclamation en hommage au groupe allemand Neu!. Cette première ère compte trois albums, encore plus oubliés aujourd'hui que leurs successeurs. Le premier, sans titre, est produit par Brian Eno et Steve Lillywhite. Un mélange de l'air du temps punk avec quelques restes de tendance glam, comme un avatar du Roxy Music première période. 
Dans la foulée -Ha!-Ha!-Ha! garde encore un peu de ce côté cabaret cher à Brian Ferry, notamment dans son morceau d'ouverture Rockwrok, croisement bâtard entre le piano frénétique d'Elton John et cette brutalité cockney qui redistribue les cartes dans l'Angleterre de 1977. 
Mais sur la durée, l'album se révèle plutôt difficile à étiqueter, à la fois énergique et tenté par le romantisme, naïf et pertinent, il révèle un charme étrange 40 ans après. Brian Eno ayant lâché l'affaire, Steve Lillywhite et le groupe s'orientent vers un son brut, presque live, à la limité du chaotique mais pourtant toujours lisible, à l'image du brûlot Fear In The Western World. Ce n'est pas un album Punk, ce n'est pas encore de la New Wave, il y a des synthés parcimonieux et pertinents, même du violon planqué ici et là, et cette étrange chanson qui clôt l'album avec synthé, boîte à rythme et mélancolie : Hiroshima mon amour.
Après ça, le groupe sortira un troisième album produit par Conny Plank, mais le succès n'est toujours pas là. Leur label les lâche, John Foxx s'en va, et une autre histoire démarre...