vendredi 15 novembre 2013

Inventaire 20 - Gants Blancs



Ça crépite, ça réchauffe, c'est de saison.


SOFT MACHINE Pataphysical Introduction Part 1

SOFT MACHINE
Vol 2

Label : Barclay (Probe Probe Probe)
Année : 1969
Face 1 : Rivmic Melodies : 
Pataphysical Introduction Pt. 1 - A Concise British Alphabet Pt. 1 - Hibou, Anemone And Bear - A Concise British Alphabet Pt. 2 - Hulloder - Dada Was Here - Thank You Pierrot Lunaire - Have You Ever Bean Green? - Pataphysical Introduction Pt. 2 - Out Of Tunes
Face 2 : Esther's Nose Job : 
As Long As He Lies Perfectly Still - Dedicated To You But You Weren't Listening - Fire Engine Passing With Bells Clanging - Pig - Orange Skin Food - A Door Opens And Closes - 10:30 Returns To The Bedroom
Genre : Rock pataphysique
8° morceau de L'inventaire 20 : Pataphysical Introduction Pt. 1 

Le groupe doit son démarrage à la rencontre d'un milliardaire mécène à Majorque qui leur paye du matériel et leur donne les moyens de répéter. Leur nom est aussi le titre d'un "roman" de William Burroughs qui leur accorda en personne le droit de l'utiliser. Leurs débuts dans le Londres psychédélique de la fin des années 60 les amènera à faire une tournée en première partie du Jimi Hendrix Experience dont le génie gaucher viendra de temps en temps jouer de la basse avec eux sur scène. Ils barbotent alors au milieu des Beatles, des Stones ou encore des Yardbirds
Mais l'essentiel n'est pas là...
Soft Machine signe la réunion de trois personnalités singulières : Daevid Allen, guitariste, chanteur un peu barré, Kevin Ayers, chanteur, guitariste un peu barré, et Robert Wyatt, multi-instrumentiste chanteur un peu barré. On appelle à la rescousse Mike Ratledge, issu du premier groupe de Wyatt, pour tenir la basse. En plus de leur imaginaire poétique, les musiciens partagent un goût prononcé pour le jazz et une ouverture à tout ce que la modernité artistique peut offrir de terres vierges. Ainsi, il sera difficile de qualifier la musique de Soft Machine, parfois complexe et conceptuelle, d'autres fois spontanée et pleine d'humour, à l'image de cette "introduction pataphysique" (que nous avons placé en conclusion du mix pour respecter leur sens de l'absurde).
Soft Machine est à la charnière du rock psychédélique et du rock progressif, leur discographie en témoigne : on passe de la liberté la plus créative à une complexité intellectuelle qui finit par devenir un peu stérile. La carrière du groupe est courte est chaotique : Daevid Allen a déjà quitté le navire lorsqu'ils enregistrent le premier album. Au troisième c'est Kevin Ayers qui lâche l'affaire, puis Wyatt au cinquième. Leurs carrières solos respectives montrent qu'ils ont eu bien raison !  
Mike Ratledge garde le nom du groupe qui décline dès lors un jazz rock boursouflé avec un certain succès, jusqu'à la fin des années 70.

THE JAM The Butterfly Collector

THE JAM
Snap !

Label : Polydor
Année : 1983
Face A : 
In The City - Away From The Numbers - All Around The World - The Modern World - News Of The World - Billy Hunt - English Rose - Mr. Clean        
Face B :

David Watts - "A" Bomb In Wardour Street - Down In The Tube Station At Midnight - Strange Town - The Butterfly Collector - When You're Young - Smithers-Jones - Thick As Thieves        
Face C :

The Eton Rifles - Going Underground - Dreams Of Children - That's Entertainment - Start! - Man In The Corner Shop - Funeral Pyre      
Face D :
Absolute Beginners - Tales From The Riverbank - Town Called Malice - Precious - The Bitterest Pill (I Ever Had To Swallow) - Beat Surrender 
Genre : Brit Pop
7° morceau de L'inventaire 20 : The Butterfly Collector

S'il est un groupe exemplaire, à la charnière des années 70-80, ouvrant la brèche du nouveau son de l'Angleterre sans jamais s'enfermer dans les modes éphémères, c'est bien The Jam
En 6 albums produits entre 1977 et 1982, le trio absorbe l'énergie du punk et la classe des mods, anticipe la new-wave et s'inscrit dans la grande tradition du songwriting anglais tout en injectant des couleurs de soul et de rhythm'n'blues à une pop efficace, apparemment très simple, mais taillée au cordeau. Paul Weller écrivait les morceaux, chantait et déroulait ses riffs impeccables, secondé par une rythmique plus que solide, Bruce Foxton à la basse, et Rick Buckler à la batterie.
Lorsque le groupe se sépare sans amertume, il laisse à ses fans un album live témoin de la jubilation communicative du groupe sur scène et ce double LP de compilation qui inclut quelques raretés et singles jamais publiés en album, dont le superbe Butterfly Collectors choisi pour ce mix. Ce qui rend la chose aussi indispensable que le reste de la discographie d'un groupe qui rejoint une très haute lignée britannique, celles des Beatles, des Kinks, des Smiths et qui d'autre...
Qui a dit The Police ?  
 
  

SYREETA Black Maybe

SYREETA
Syreeta

Année : 1972
Label : Mowest (Motown)
Face A :
I Love Every Little Thing About You - Black Maybe - Keep Him Like He Is - Happiness 
Face B :
She's Leaving Home - What Love Has Joined Together - How Many Days - Baby Don't You Let Me Lose This - To Know You Is To Love You

Genre : Deeper Soul
6° morceau de L'inventaire 20 : Black Maybe

Le vrai conte de fée : Syreeta Wright est réceptionniste à la Motown. Un jour, elle est repérée par l'un des compositeurs maison, Brian Holland, qui la fait auditionner devant l'équipe dirigeante. Elle raccourci son nom en Rita Wright, commence comme choriste, puis enregistre un single originellement prévu pour Diana Ross. Et même si le titre ne devient pas un gros tube, c'est cette fois Stevie Wonder qui la remarque et l'encourage à passer à la composition. Elle participe à l'écriture de quelques succès Motown, la plupart du temps avec Stevie (Signed, Sealed Delivered, I'm Yours) qui finit même par l'épouser en 1970... 
Il lui produit alors ce premier album, sublime, où il écrit la plupart des morceaux, seul ou avec elle. Et même quand il arrange des reprises (une des Beatles, une de Smokey Robinson) ça plane très haut. Stevie Wonder est en pleine mutation, il vient de découvrir les claviers électroniques, oriente ses textes vers plus de profondeur et s'affranchit très nettement des normes Motown.
Il ne faudrait pas croire pour autant qu'il est seul responsable de ce moment de grâce. Syreeta Wright a cosigné 4 titres, elle chante divinement, investit chaque chanson d'une intensité fragile, tout en donnant une désarmante impression de facilité. 
Tout ça est plein d'amour sans être mièvre, produit avec finesse et tient bon 40 ans après. 
Contrairement à leur mariage, dissout avant même la sortie du disque. Ce qui ne les a pas empêchés de continuer à collaborer par la suite et c'est tant mieux. 
Pour nous en tous cas...

THE EASYBEATS Land Of Make Believe

THE EASYBEATS
Friday On My Mind (Compilation)

Label : Fan Club (New Rose)
Année : 1985
Face A : 
Friday On My Mind - Pretty Girl - Who'll Be The One - Remember Sam - I'll Make You Happy - You, Me, We Love - Do You Have A Soul - Heaven And Hell    
Face B :

Made My Bed, Gonna Lie In It - Good Times - Lisa - She's So Fine - Land Of Make Believe - Sorry - River Deep, Mountain High - Saturday Night - Hello, How Are You
Genre : Pop 60's
5° morceau de L'inventaire 20 : Land Of Make Believe

David Bowie a repris leur Friday On My Mind sur son album Pin-up. A l'époque, tout le monde avait le 45t des Easybeats, même ma mère... 
Malheureusement, ce succès planétaire n'eut guère de suite et on se demande bien pourquoi. D'aucuns prétendront que les origines australiennes du groupe leur interdisait de lutter à armes égales avec les Beatles et les Stones, mais alors comment expliquer ce premier (et dernier) succès, qui les amena d'ailleurs à s'installer à Londres dans l'espoir d'intégrer la déferlante ?
C'est d'autant plus absurde et dommage qu'à l'écoute de cette compilation, sortie en 85 sous le label Fan Club (une division de New Rose tout spécialement dédiée à l'exhumation des vieilles gloires), on se rend compte que le groupe en avait sous la semelle. De fait, si parmi les quelques 17 titres qui la constituent, rares sont ceux qui ont trouvé leur place dans les charts de l'époque, l'album ressemble aujourd'hui à un catalogue de ce que la pop sixties pouvait avoir de plus excitant : rythmiques seiches et tranchantes, riffs de guitares efficaces (Made My Bed, qui figurait en face B de Friday on my mind aurait aussi bien pu lui damer le pion) et ces vocaux de Stevie Wright qui, sans être un grand technicien, apporte la même énergie irrésistible dans les graves et les aigus. 
A l'exception de rares reprises (ici le River Deep, Mountain High cher à Ike & Tina Turner, dans une version moins soul et plus électrique), les compositions sont signées Vanda et Young, les deux guitaristes qui, pour se venger de leur insuccès, deviendront producteurs dans les années 70 du groupe des deux petits frères Young. Une formation bruyante et talentueuse appelée AC/DC...
Les vinyles étant particulièrement coton à trouver, nous recommanderons pour une fois le double CD paru en 1996 (et réédité depuis) sous le titre The Definitive Anthology. L'objet offre une soixantaine de titres qui montrent l'étendue des influences bien digérées du groupe (rock'n'roll, rythm'n'blues, mersey beat, etc). Il contient en plus un livret de 50 pages qui retrace l'histoire des Easybeats. Le meilleur résidant dans le "track by track", une revue détaillée des chansons par l'une des deux âmes du groupe, le guitariste Harry Vanda qui fait preuve de beaucoup d'humour et de distance par rapport à cette carrière avortée.



THE SHINS New Slang

THE SHINS
Oh Inverted World

Label : Omnibus/Sub Pop
Année : 2001
Face A :
Caring Is Creepy - One By One All Day - Weird Divide - Know Your Onion! - Girl Inform Me     
Face B :
New Slang - The Celibate Life - Girl On The Wing - Your Algebra - Pressed In A Book - The Past And Pending

Genre : Sparkling Pop
4°morceau de L'inventaire 18 : New Slang

Bien sûr, certains vont évoquer les Beach Boys pour les vocaux légers ou les Byrds pour les accords lumineux... Il serait cependant dommage de limiter The Shins à l'héritage des années 60, leurs compositions n'aimant rien tant que sortir des sentiers battus, déraper dans une mélancolie fugace ou une inquiétante étrangeté d'une seconde à l'autre. 
Ils sont l'un des tout premiers groupes de l'histoire à avoir attiré l'attention d'un gros label (la maison Sub Pop, chantre du grunge qui eut la bonne inspiration en 1989 de sortir le Bleach de Nirvana) par leur popularité sur le site Napster. Grâce à ce bouche-à-oreille exponentiel et à leur présence sur quelques bandes originales de films et séries, le groupe va devenir énorme aux États-Unis mais reste relativement méconnu en France. Pourtant, toute champêtre et ensoleillée qu'elle puisse être, leur musique ne manque pas de profondeur... 

Oh, et puis pas la peine de tergiverser : The Shins est ce qui est arrivé de mieux à la pop musique ces 15 dernières années.
- Selon qui ?
- Selon moi, pourquoi ? T'as une objection ? 

MIGHTY SPARROW No Love

SPARROW
Hotter Than Ever

Label : Ra / Trojan
Année : 1972
Face A :
Rope - Toronto Mas - Winer Girl - Woom Poom - Drunk And Disorderly 
Face B :
Miss Ruby - More Cock - Melody 72 - No Love - Donkey Car`nt Wine

Genre : Calypso
3°morceau de L'inventaire 20 : No Love

Nous avons déjà évoqué dans ces chroniques les origines du calypso, célébré en Amérique du Nord par un mythique album de Robert Mitchum ou le très recommandable Van Dyke Parks
Mais c'est plus au sud, entre Trinidad et Jamaïque, qu'il faut chercher les sources de cette musique festive, accompagnant des paroles reflétant souvent la réalité la plus crue. Actif depuis la fin des années 50, Slinger Francisco, connu sous le pseudonyme de Mighty Sparrow, surnommé parfois "The Bird" ou "The Birdie" est, depuis, l'une des figures les plus célèbres du genre, avec le bassiste Byron Lee qui a d'ailleurs supervisé l'enregistrement de cet album.
La musique de Sparrow est faite avant tout pour danser, elle est gavée jusqu'à la gueule d'énergie brute, de percussions, de cuivres, et de mélodies ensoleillées. On doit à cet infatigable ambianceur une grosse soixantaine d'albums étalés sur 40 ans, et une longévité encore plus importante sur scène, tout juste interrompue en 2010 pour raisons médicales à... 75 ans.

WENDY & LISA Fruit at the bottom

WENDY & LISA 
Fruit At The Bottom

Label : Virgin
Année : 1989
Face 1 :
Lolly Lolly - Are You My Baby - Satisfaction - Always In My Dreams- Everyday
Face B : 
From Now On (We’re One) - Tears Of Joy - Someday I - I Think It Was December - Fruit At The Bottom 
Genre : Funky pop
2°morceau de L'inventaire 20 : Fruit at the bottom

Elles ne sont pas que sexy. Multi-instrumentistes chez le petit Prince de Mineapolis à sa période majeure (de Purple Rain à Sign "O" the Times), Wendy Melvoin et Lisa Coleman, les deux amies d'enfance, ont pris leur envol pour un premier album sous leurs prénoms en 1987 et se taillent un petit succès avec le suivant, Fruit At The Bottom, qu'elles défendront énergiquement sur scène. 
L'influence de Rogers Nelson se fait encore bien sentir : ses rythmiques funky qui claquent, ses caisses claires en carton et cette production efficace mais kitch, mais aussi un sens mélodique très sûr et un groove imparable qui laissent à penser que les demoiselles n'étaient pas pour rien dans la période dorée de Prince (qui d'ailleurs connaîtra un passage à vide peu après leur départ). 
L'album est inégal, et sa production témoigne des dégâts de cette période charnière où le virage vers le cd numérique générait quelques faute de gouts irréparables. Mais il serait dommage de le laisser trainer dans les bacs de soldes où il agonise, ne serait-ce que pour le sensuel Lolly Lolly, ou cet énergique Fruit At The Bottom qui clôt l'album du même nom, titre qu'il est difficile de traduire autrement que par l'expression "Avoir des couilles au cul".

Postscriptum. : Aujourd'hui Wendy & Lisa écrivent de superbes musique pour des séries T.V.. Elles ont notamment remporté un Emmy Award pour leur travail sur Nurse Jacky.

 

KARL HEINZ SCHÄFFER Les Gants Blancs du Diable

KARL HEINZ SCHÄFFER
Les Gants Blancs du Diable

Label : Eden Roc
Année : 1973
Face A :
La Victime - La Valise - Kidnapping - Le Partage - Accroc - Les Gants Blancs - La Couleur Des Yeux
Face B : 
Couleurs - Karajan - "Suivi" -    L'Accuponcture - Les Preuves - Le Lien - Police Polka - Utopia
Genre : Musique de film
1°morceau de L'inventaire 20 : La Victime

Le film est invisible et la b.o. très recherchée. Réalisé par Laszlo Szabo (qui joue le Russe mystérieux du train dans La Sentinelle de Desplechin), Les Gants Blancs du Diable est apparemment un polar politique, un mélange de film de genre et de cinéma d'auteur qui fleure bon la subversion post-soixante-huitarde si on en croit le monologue de Jean-Pierre Kalfon en fin de face B. A part ça, la musique de Karl Heinz Schäffer oscille entre les arrangements classiques, les instrumentaux funky et les sonorités électroniques, avec ce goût de la liberté et de l'expérimentation propre aux années 70.
Au fil des ans, l'objet est devenu  totalement culte, d'autant plus qu'il n'a pas dû être tiré à des millions d'exemplaires à l'époque. Toujours dans les bons coups, le label Vadim a réédité cette bande originale en CD et vinyle. Leurs tarifs ne sont certes pas donnés mais, au vu de la côte de l'original, ça reste abordable. 
Du coup, il est difficile de décrire l'émotion qui vous saisit lorsque vous tombez sur le 33t d'époque dans un bac de disques pourris au marché aux puces. Et même si la galette a vécu, même si elle gratte beaucoup, elle reste incroyablement efficace. Mettre la b.o. des Gants Blancs du Diable sur la platine est une expérience troublante, qui doit faire sensiblement le même effet que de à monter à bord d'une machine à voyager dans le temps.